Le Venin de la peur : ***

(1971) de Lucio Fulci avec Florinda Bolkan

 

Notules en vrac

Les vingt premières minutes du film sont vertigineuses et nous assistons aux visions et fantasmes de Carol, la fille d'un politicien anglais, qui finissent toujours par une participation à des orgies sous LSD organisées par sa voisine aux mœurs dissolues. Au cours de l'un de ces cauchemars, Carol assassine ladite voisine mais les choses se gâtent lorsqu'elle apprend le lendemain que celle-ci a réellement été tuée... Avec Le Venin de la peur, certainement l'un de ses plus beaux films, Lucio Fulci parvient à faire exploser le cadre des genres qu'il semble aborder. Certains passages, notamment une remarquable course-poursuite dans une église moderne désaffectée, s'inscrivent dans la tradition du giallo avec un tueur fou lancé aux trousses d'une femme qui hurle. Mais Fulci ne s'en tient pas là : il flirte avec l'horreur pure (cette vision d'animaux suspendus, ouverts de long en large mais dont les cœurs continuent de battre) et le thriller plus classique reposant sur de sombres machinations. Mais c'est surtout la dimension « psychédélique » du film qui fascine aujourd'hui. Les projections mentales d'une femme frustrée et vraisemblablement frigide nous entraînent dans un univers onirique et vénéneux ensorcelant. Un petit chef-d’œuvre.

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The Hangover : **

(2009) de Todd Phillips avec Bradley Cooper

Notules en vrac

Le film est construit autour d'un grand trou noir : après une nuit de folie à Las Vegas pour un enterrement de garçon, les compères se retrouvent dans une chambre d'hôtel complètement ravagée avec un bébé sur les bras, un tigre dans la salle de bain et un futur marié manquant à l'appel ! Les trois larrons vont alors essayer de reconstituer la chronologie des événements. The Hangover (je me refuse à utiliser le grotesque titre « français » Very bad trip (sic)!) est une comédie régressive dans la lignée de celles lancées une décennie plus tôt par les Farrelly ou l'American pie des frères Weitz. L'écriture est alerte et les gags désolants plutôt bienvenus et drôles. D'autre part, ce type de comédies témoigne, à sa manière, de la grande schizophrénie des États-Unis en matière de sexualité. D'un côté, le puritanisme le plus extrême règne sans partage, aggravé par la chape de plomb du « politiquement correct » (un des personnages déplore qu'on ne puisse plus « se masturber dans les avions depuis le 11 septembre »), de l'autre, le sexe est l'unique obsession de tous ces personnages, de tous ces films. L'une des forces de ces comédies régressives est de titiller et d'égratigner ce fameux « politiquement correct » même si, au bout du compte, la morale finit par l'emporter et retrouver ces droits. C'est sans doute ici que se situe la limite du genre (je pense à En cloque (mode d'emploi) revu récemment) : une vision très « adolescente » de la sexualité qui permet d'en rire entre potes (et c'est souvent drôle !) mais qui oblitère sa dimension passionnelle, transgressive, amoureuse...

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Il Seme dell'uomo : **

(1969) de Marco Ferreri avec Anne Wiazemsky, Annie Girardot

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Ce qui frappe en découvrant Il Seme dell'uomo de Ferreri, c'est une certaine similitude avec le Week-end de Godard : même attirance pour la fable post-apocalyptique, même désir de saisir les dernières traces d'une civilisation partant à vau-l'eau (ici, un musée où le héros recueille les dernières traces du « monde d'avant » : réfrigérateur, tourne-disques, parmesan...), même vision d'un capitalisme à l'agonie et d'une catastrophe imminente. Comme chez Godard, on retrouve chez Ferreri des naufragés de la route (un car plein d'enfants morts) et une même lutte impitoyable pour la survie qui se termine en … cannibalisme ! Mais là où JLG nous proposait un film plein de bruits et de fureurs, Ferreri opte pour une fable apaisée, sur une plage où un homme voudrait perpétuer la civilisation en faisant un enfant à la femme qui refuse. Tous les thèmes du cinéaste sont là : le déclin d'un monde, la fin de la masculinité (les deux propositions n'étant pas liées!) mais le pessimisme est de rigueur. Sans être l'un des meilleurs films du cinéaste, l’œuvre est passionnante et mérite d'être redécouverte.

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Summer : **

(2015) d'Alanté Kavaïté

Notules en vrac

Cette jolie chronique lituanienne suit, le temps d'un été, la naissance d'un amour entre deux fraîches adolescentes. L'une est introvertie et tourmentée (elle se scarifie les bras avec un compas) tandis que l'autre à une âme d'artiste, prend des photos et confectionne des habits. La belle lumière du film et la sûreté du cadre séduisent immédiatement. Ce tableau impressionniste d'un classique éveil des sens est à la fois sensuel et juste. Une des grandes réussites d'Alanté Kavaïté est de nous faire complètement oublier qu'il s'agit d'une relation homosexuelle : jamais cette dimension ne pose problème et on assiste tout simplement à une très belle histoire d'amour. On pense un peu à Naissance des pieuvres, le joli film de Céline Sciamma mais débarrassé des scories geignardes et victimaires de la française. On peut seulement regretter que le film manque parfois un peu d'ampleur même si la cinéaste cherche à le faire « décoller » en jouant sur toutes les métaphores liées au vol d'un avion et au vertige. Du coup, le dernier tiers du film paraît un peu moins charmant, un peu plus convenu. Mais il y a dans Summer un ton et un style qui en font un film très attachant.

 

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