Shame : o

(2011) de Steve McQueen avec Michael Fassbender :

Séances de rattrapage

Après Hunger, Steve McQueen poursuit dans la veine d'un cinéma « à l'estomac » pour nous dresser le portrait d'une homme dépendant au sexe. Après tout, le sujet n'est pas plus bête qu'un autre sauf qu'il aurait fallu qu'il se dégage certains enjeux dramatiques : spirale infernale de l'enfermement, frustration, solitude... Ce sont ces thèmes que le cinéaste semble traiter sauf que les dés sont pipés dès le départ : Michael Fassbender n'a qu'à poser les yeux sur une jeune femme pour qu'elle écarte les cuisses ! Du coup, on a dû mal à comprendre son problème puisqu'il peut assouvir sa fringale lorsqu'il le désire ! A moins de jouer la carte du puritanisme moralisateur et de décréter que le sexe n'est pas l'amour ; ce dont ne se prive pas McQueen qui montre « l'horreur » du sexe pour le sexe (pensez, ma bonne dame, le héros finit par se faire sucer par un homme tellement il est dépendant!) et que son personnage n'arrive pas à satisfaire, ô surprise !, la fille qu'il aime vraiment !

Le tout drapé dans une mise en scène poseuse, jouant la carte de la distanciation et de la glaciation sans laisser place à la moindre émotion. McQueen fait du cinéma comme il ferait une performance d'art contemporain. Déjà dans Hunger, il filmait de manière quasiment pornographique le dépérissement de Bobby Sands. Dans Shame, il remet une petite louche de crudité (les scènes de sexe sont horriblement mal filmées) et n'évite pas une certaine complaisance, notamment dans la longue scène du suicide de la sœur où la musique, la manière de jouer avec le sang comme une matière picturale annihilent l'émotion et la réalité de la souffrance.

Constamment, le cinéaste se regarde filmer et cherche à intimider le spectateur : le résultat est pénible et déplaisant.

***

Inception : **

(2010) de Christopher Nolan avec Leonardo DiCaprio, Marion Cotillard

 

Séances de rattrapage

Je me suis enfin décidé à rattraper mon retard quand à la connaissance de l’œuvre de Nolan (je rappelle que je n'avais alors vu qu'Interstellar!). Inception n'est pas exempt de défauts, en premier lieu, cet esprit de sérieux du cinéaste qui plombe parfois ses plus belles idées. D'autre part, comme la plupart des blockbusters actuels, le film dure une demi-heure de trop et certaines scènes d'action sont assez ennuyeuses. Ajoutons à cela quelques effets numériques assez moches (les « explosions » dans les rues de Paris) et l'atroce musique d'Hans Zimmer (puisque l'époque aime à découvrir chaque jour de nouvelles phobies – c'est la « cage aux phobes » comme le soulignait le regretté Philippe Muray-, je revendique bien haut ma Zimmerophobie!) et on aura compris que le film est loin d'être parfait.

Pourtant, il faut bien reconnaître que l'on y prend un certain plaisir. Le scénario est astucieux et quelques idées visuelles sont assez belles (ces perspectives impossibles qu'un cerveau humain est capable de créer). Nolan ne fait finalement que prolonger, avec un certain talent, les questionnements d'Hitchcock sur la manipulation du spectateur. Aujourd'hui, dans un monde poreux où les frontières physiques mais aussi mentales n'existent plus, le cinéaste tente de jouer directement avec l'inconscient du spectateur, s'inscrire au cœur de son esprit et de ses rêves pour lui faire croire qu'il a lui-même développé une idée qui n'est pourtant pas la sienne.

Et d'une certaine façon, Nolan joue avec ces images avec plus de subtilité que les chaînes publiques qui matraquent leurs spectateurs de chansons de Johnny ou Stromae tout en leur faisant croire que ce sont leurs goûts qui les pousseront par la suite à acheter les disques !

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Spring breakers : **

(2012) d'Harmony Korine avec Selena Gomez, James Franco

Séances de rattrapage

Spring breakers avait tout pour me déplaire : une esthétique de clip MTV, des personnages imbéciles, une mythologie odieuse (le fric, la drogue, le rap, les armes, les petits caïds...) et une vulgarité sans fond. Et pourtant, la force du film de Korine est de se brancher directement sur ces images de l'époque (le clip, l'imagerie pornographique...) et de se les réapproprier en évitant deux des principaux travers de ce type de projet : faire un film vulgaire pour parler de la vulgarité (exemplairement, le Showgirls de Verhoeven) ou prendre la posture du moralisateur qui critiquerait et ironiserait sur cet univers factice.

Du coup, il se dégage de Spring breakers une véritable énergie, portée par les images pop et chatoyantes de Benoît Debie. Le cinéaste parvient à dresser un tableau assez hallucinant de l'époque et de ce qu'est devenu « le rêve américain ». Korine parvient également à jouer de manière assez habile sur la sensation du temps, entre accélérations fulgurantes et des sortes de stases poétiques. Les héroïnes sont à la fois prises dans un flux temporel qui finit par les emporter et par le désir de stopper à jamais ces instants où les émotions sont à leur paroxysme.

Même si j'avoue que le film peut sembler parfois un peu vain, il n'en demeure pas moins une expérience assez enthousiasmante.

 

Monkey shines : ***

(1988) de George A. Romero

Séances de rattrapage

Étrange film d'un Romero qui délaisse momentanément ses chers zombies pour nous narrer les (més)aventures d'un sportif devenu tétraplégique à la suite d'un accident. Pour s'occuper de lui, un ami savant lui offre un capucin femelle qui va s'attacher de plus en plus à son maître.

Extrêmement bien construit, le film parvient à installer une atmosphère de plus en plus oppressante sans jamais avoir recours aux facilités de l'horreur sanglante. La force de Romero est de nous entraîner sur un terrain finalement assez inhabituel. Alors qu'on pouvait s'attendre à une simple histoire « d'amour » entre l'homme et une bête qui serait devenue, au fur et à mesure, de plus en plus jalouse de l'entourage du héros, notamment sa belle fiancée ; le cinéaste préfère explorer une autre voie.

Le singe devient ici la projection des pensées les plus sombres du héros, de ses haines et ressentiments. Du coup, Romero retrouve l'un de ses thèmes fétiches : celui de la bestialité nichée en chaque individu et la question de l'altérité. Comme avec ses zombies, le cinéaste s'interroge sur ce qu'il reste d'humain dans l'animal (ou assimilé : le mort-vivant) et la part de bestialité qui subsiste au cœur de l'homme. Il le fait dans un film très bien écrit et intelligent. Seul (petit) bémol : les acteurs, qui ne « brilleront » par la suite que dans des séries télévisées, sont un peu fadasses et leur look « années 80 » n'arrange rien à l'affaire. Mais cela n'enlève rien aux qualités de cette œuvre impressionnante.

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