Chronique d'un amour
Poussières dans le vent (1986) de Hou Hsiao-Hsien. (Éditions Carlotta films) Sortie en salles depuis le 3 août 2016
Avec Poussières dans le vent, Hou Hsiao-Hsien clôt ce que l’on appelle désormais son « cycle autobiographique » (Les Garçons de Fengkuei, Un été chez grand-père et Un temps pour vivre, un temps pour mourir). Pourtant, il ne s’agit plus là de ses propres souvenirs mais de ceux de son coscénariste. Une histoire d’adolescence, encore une fois, mais traitée sous un angle sentimental.
A Yuan et A Yun ont grandi dans le même village et même si chacun tait les sentiments qu’il a pour l’autre, on sent qu’il s’agit bien plus qu’une simple et belle amitié. Tous les deux décident un jour de se rendre à Taipei pour y travailler et, peu à peu, se familiarisent avec leur nouvelle vie…
Avec Poussières dans le vent, le cinéaste affine son style et épure son trait : le récit romanesque se dilue dans une succession de saynètes dédramatisées, la psychologie des personnages est totalement gommée au profit d’une attention apportée aux paysages, aux lieux, aux lumières… Hou Hsiao-Hsien cherche à saisir des sentiments aussi diffus et volatiles que celui du temps qui passe, du passage à l’âge adulte ou de la naissance d’un amour.
Osons l’avouer : aussi beau soit-il en terme de mise en scène, Poussières dans le vent ne m’a que rarement touché. Hou Hsiao-Hsien pratique un cinéma que j’admire « objectivement » mais qui, dans ce cas précis, ne parvient pas à m’émouvoir. Autant je suis fasciné et bouleversé par certains de ses films comme Les Fleurs de Shanghai, Café lumière ou Les Garçons de Fengkuei, autant je reste relativement distant face à celui-là.
Pourtant, on voit très bien ce qui a pu intéresser Hou Hsiao-Hsien dans ce récit : l’opposition ville/campagne et le roman d’apprentissage découlant de ces va-et-vient. On retrouve également les caractéristiques qui faisaient la beauté de ses films précédents : la conscience aigüe de la fuite du temps et ce sentiment de perte inéluctable qu’il charrie avec lui, ce goût pour les trajectoires parallèles, cette attention portée aux détails les plus infimes afin de rendre compte des sensations les plus ténues. Pour les deux personnages, ce parcours initiatique est un moyen de se confronter à la réalité et d’affirmer une personnalité, notamment chez cette jeune fille qui fait preuve d’un certain tempérament lorsqu’elle n’hésite pas à braver les préjugés en buvant comme un garçon ou en ôtant son chemisier pour qu’un de ses amis dessine dessus.
La fin de Poussières dans le vent, que nous ne raconterons pas, est très belle et émouvante. Mais en voulant à tout prix éviter le pathos et se tenir à distance de l’émotion qui pourrait submerger ses personnages, Hou Hsiao-Hsien prend le risque d’une certaine froideur.
Du coup, libre à chacun d’adhérer ou pas à ce style épuré et presque atonal. Pour ma part, je ne marche que par intermittence et n’entre jamais totalement dans le film.
Ce qui ne l’empêche pas d’être une œuvre subtile et délicate, parfaitement réalisée et témoignant de la grandeur d’un cinéaste maîtrisant désormais impeccablement son art.