Cinéma(ra)t(h)on : J-116
Cinématon 2701-2713 (2012) de Gérard Courant
L’un des pires dangers qui guette le coureur de fond est, sans conteste, la routine et les habitudes. Depuis quelques temps, quoique fort irrégulièrement, j’ai pris l’habitude des étapes longues et éprouvantes de 2 heures et 30 portraits. Du coup, j’ai de plus en plus de mal à me trouver des plages horaires suffisantes pour pouvoir me replonger dans le Cinématon et l’idée d’abandonner m’a même effleuré l’esprit. Si près du but, ça serait dommage !
Du coup, j’ai décidé de repartir sur des courses plus courtes mais plus régulières, au gré de mes disponibilités. Concédons qu’il fut néanmoins difficile de se remettre en jambe en retrouvant Dubaï où nous l’avions laissé (c’est-à-dire, au mois de décembre 2012). Une fois de plus, les visages anonymes succèdent aux visages anonymes et les modèles filmés rivalisent d’effort pour ne rien faire du tout et rester impassibles.
Le spectateur déconcerté se souvient alors que le génie de Cinématon réside dans les détails et scrute avec plus d’attention les cadres serrés de Gérard Courant. Pour le cinéaste britannique Mosco Kamwendo (n°2703), le regard se fixe sur le mouvement qu’imprime à ses tempes sa lente mastication. Melissa Khan (n°2704) nous rappelle que la cigarette n’a pas totalement déserté le champ de Cinématon tandis que c’est l’arrière-plan du portrait de Mohamed Kahoor (n°2706) qui tient en éveil le « cinémateur » puisqu’un homme fait quelques allers-et-venus et disparait derrière le modèle lorsqu’il s’assoit. L’esprit se prend à vagabonder et on imagine cette mystérieuse silhouette en train de poser une bombe, comme pour illustrer la définition qu’Hitchcock donnait du suspense (lorsque le spectateur possède un petit temps d’avance sur le personnage).
C’est parfois la lumière qui joue de mauvais tours aux « cinématonés ». Ainsi, on remarque immédiatement que l’Egyptien Noureldin Moustafa (n°2707) est doté d’un imposant appendice nasal. Mais en se plaçant malencontreusement dans le cadre de façon à ce qu’une lumière n’éclaire plus que cette partie de son visage, on ne voit dès lors plus que ce tarin proéminent.
Sur la fin, les choses se sont un peu décantées et les invités de Gérard Courant se sont montrés plus « actif » : l’indienne Meenakshi Sheede (n°2708) semble raconter une histoire à la caméra mais avouons qu’il est difficile d’en saisir la teneur en sachant que le film est muet.
La belle documentariste émirati Amal Al-Agroobi (n°2711) fait beaucoup de mimiques mais son sourire enfantin rend ce portrait amusant et rafraichissant. Quant à l’écrivain Ziad Khuzai (n°2712), il cherche à donner une vision la plus exhaustive du « portrait » en présentant d’abord son crâne dégarni à la caméra avant de montrer son visage et de se toucher les joues.
La course s’est arrêtée avec le numéro 2713 lorsque la « cinématonée » n°2716 est rentrée à la maison…