Entre temps, Blake Edwards (2016) de Nicolas Truffinet (Playlist Society, 2016)

Blake Edwards, entre tradition et modernité

Le titre de ce court essai consacré à Blake Edwards indique immédiatement l’angle d’attaque choisi par Nicolas Truffinet pour aborder une œuvre imposante (près d’une quarantaine de films sans compter les séries télévisées) et, en apparence, assez disparate puisqu’en dépit d’une dilection visible pour la comédie, le cinéaste s’est essayé à de nombreux genres (western, comédie musicale, espionnage, film de guerre fantaisiste…). Cet « entre temps » correspond parfaitement à la place qu’occupe Blake Edwards dans l’histoire du cinéma : un pied dans le classicisme hollywoodien dont il réinvestit certaines figures et un pied dans une certaine « modernité ». Edwards fait partie de cette génération des années 60 (avec des gens comme Richard Quine ou Frank Tashlin) qui ont eu conscience d’arriver après l’époque glorieuse des studios et qui ont inventé des formes hybrides marquées par l’influence grandissante de la télé, l’apparition de nouveaux corps (chez Edwards, Peters Sellers en reste le plus inoubliable exemple) et une dimension plus « réflexive » (passant aussi bien par le pastiche que par un certain désenchantement).

Nicolas Truffinet aborde avec beaucoup d’acuité les enjeux thématiques et sociologiques du cinéma de Blake Edwards, mettant l’accent sur le rôle de ses films « de guerre », réhabilitant à juste titre les grands films des années 80 et leur dimension désillusionnée et analysant avec justesse la postérité de ce cinéma (que ce soit dans les séries ou le cinéma de Judd Apatow).

De ce point de vue, cet essai est un excellent travail de vulgarisation (sans le moindre sens péjoratif, bien évidemment) qui parvient à donner un aperçu convaincant de l’œuvre de Blake Edwards. Nicolas Truffinet s’intéresse surtout à la place de l’individu au cœur de ce cinéma, notamment à travers les évolutions de la figure du « mâle américain » et l’influence grandissante de la psychanalyse. Il analyse également son rapport aux genres et à la modernité.

Dans une critique récente parue dans Positif, Marc Cerisuelo reproche à l’auteur d’avoir un peu évincé l’analyse « esthétique » de l’œuvre de Blake Edwards. Ce n’est pas faux mais il ne faut surtout pas lire cet essai avec l’idée d’une étude exhaustive de la filmographie du cinéaste. Nicolas Truffinet a choisi un angle d’attaque précis et s’y tient. Alors évidemment, les fans de Blake Edwards pourront se sentir un peu frustrés que des chefs-d’œuvre absolus comme La Party, Quand l’inspecteur s’emmêle ou Diamants sur canapé soient survolés de manière aussi rapide (symptomatiquement, ils ne sont même pas cités dans la filmographie sélective en fin de volume)  mais il faut prendre le livre pour ce qu’il est : une invitation à (re)découvrir une oeuvre passionnante et parfois méconnue (trompetons-le ici aussi : Micki & Maude est une pure merveille).

Et de ce point de vue, Entre temps, Blake Edwards est une jolie réussite…

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