Les roues de l'infortune
Enfer mécanique (1977) d’Elliot Silverstein avec James Brolin, Kathleen Lloyd (Elephant Films) Sortie en DVD le 12 décembre 2018
Voici donc venir une nouvelle salve de films fantastiques chez Elephant Films (à ce jour, le titre le plus recommandable de ces sorties reste le passionnant film de Michael Winner La Sentinelle des maudits). On débute avec Enfer mécanique qui sera le dernier film tourné pour le grand écran par Elliot Silverstein (il officiera par la suite à la télévision), auteur de Cat Ballou (avec Jane Fonda et Lee Marvin) et Un nommé cheval.
Enfer mécanique débute par un couple de cyclistes se promenant tranquillement sur une route de l’Utah et qui se fait soudainement pourchasser, sans raison apparente, par une voiture menaçante. La jeune femme et son compagnon (illégitime) se font renverser et succombent à l’agression du mystérieux chauffard.
A ce stade du récit, le spectateur aura reconnu l’influence criante de Duel de Spielberg et de la nouvelle de Matheson qui inspira le (télé)film. Mais Enfer mécanique va bizarrement aller puiser son inspiration dans un autre film à succès de Spielberg : Les Dents de la mer. En effet, c’est moins l’angoisse métaphysique d’être poursuivi sans raison par un véhicule fou qui intéresse le cinéaste que de créer une sorte d’entité maléfique qui va menacer une petite communauté. Lorsque la voiture attaque femmes et enfants pendant une fanfare sous le regard d’un flic qui fait le guet, on songe évidemment à l’une des plus fameuses scènes des Dents de la mer.
Mais autant l’idée qu’un requin puisse attaquer les foules de baigneurs semble plausible et peut faire peur (comme celle d’une révolte des oiseaux chez Hitchcock), autant il faut vraiment avoir un certain aplomb pour penser qu’un « cercueil à roulettes » [Sternberg] puisse inspirer une terreur grandissante. Même si dans Enfer mécanique, les lieux semblent dénués de bas-côtés permettant à l’honnête piéton d’échapper au tas de ferraille, force est de constater qu’on peine à prendre au sérieux ce scénario laborieux. Carpenter s’en tirera beaucoup mieux en adaptant Christine de Stephen King. On notera d’ailleurs chez ce dernier une certaine inclination pour les véhicules possédés puisque ce sera l’objet de son unique réalisation pour le cinéma : le calamiteux Maximum Overdrive.
Mais revenons à cet Enfer mécanique qui donne à James Brolin, le futur pater familias tueur d’Amityville, le rôle principal d’un flic moustachu à la Burt Reynolds. En dépit de quelques beaux plans d’ensemble (Silverstein a un certain talent pour saisir la photogénie des lieux), le film souffre de ce scénario laborieux qui tente, tant bien que mal, de démarquer celui des Dents de la mer mais sur terre. On suit ces péripéties sans grand enthousiasme parce qu’on n’y croit pas une seconde. Conscient sans doute des limites imposées par son sujet, le réalisateur tente tant bien que mal de donner une dimension « démoniaque » à sa bagnole. Si elle n’attaque pas les habitants réfugiés dans un cimetière alors qu’elle pourrait volontiers faire un carnage, c’est parce qu’ils se trouvent sur une terre consacrée. De la même manière, pour contourner les problèmes de vraisemblance, le spectateur est rapidement mis au courant que la voiture roule sans chauffeur. Elle devient donc le symbole d’une malédiction qui frappe une petite communauté qui n’a rien demandé. Le pire, c’est qu’elle ne s’abat même pas sur les « pécheurs » patentés comme l’immonde beauf qui frappe sa femme !
Les amateurs de séries B pas trop exigeants trouveront peut-être leur compte mais le résultat final n’est quand même pas bien fameux…