Parfums d'enfance
Jason et les argonautes (1963) de Don Chaffey
L’Île mystérieuse (1961) de Cy Enfield avec Herbert Lom (Editions Sidonis Calysta) Sortie le 18 février 2019
Attention madeleines de Proust ! Sidonis a la bonne idée de rééditer deux films qui illuminèrent nos après-midis de petit garçon devant la télévision. L’un est une relecture fantaisiste de la mythologie grecque tandis que l’autre est une adaptation du célèbre roman de Jules Verne. Les deux possèdent comme point commun d’être soutenus par les compositions symphoniques de Bernard Herrmann et de bénéficier des effets-spéciaux confectionnés par l’immense Ray Harryhausen.
Tout le charme de ces deux films tient d’ailleurs à ces trucages animés, à la fois désuets et époustouflants (beaucoup plus que les ternes effets numériques actuels dont « l’hyperréalisme » tend finalement à désamorcer toute croyance, toute crédibilité). Dans Jason et les argonautes, on se souvient de l’attaque du titan de bronze Talos, des harpies déchainées sur le pauvre aveugle, du géant à queue de poisson qui surgit soudain des eaux et aide Jason et son équipage à échapper aux rochers broyeurs Sympléglades ou encore du combat avec l’hydre monstrueuse. Mais la scène la plus mythique du film est bien évidemment la lutte contre une armée de squelettes belliqueux et particulièrement tenaces. Don Chaffey trouve à ce moment précis un équilibre parfait entre la féérie et une remarquable « vraisemblance » (le travail d’Harryhausen sur ce passage est tout bonnement extraordinaire).
Dans L’Île mystérieuse, les effets-spéciaux renvoient plus au cinéma de Bert I. Gordon et à son goût prononcé pour le gigantisme (les initiales de ce cinéaste de série B formant d’ailleurs le mot B.I.G). Les naufragés, après s’être sustentés avec des huitres géantes, sont attaqués par un crabe géant, une sorte d’oiseaux monstrueux (mi poulet, mi autruche) et par une élégante abeille gigantesque qui enferme les tourtereaux dans une alvéole de sa ruche ! On notera que nos amis les bêtes ne sont pas mortes pour rien puisque les deux premières victimes finissent dans les assiettes de nos aventuriers. Pour finir, Cy Endfield nous proposera une belle lutte sous-marine avec nos héros fournis en oxygène grâce à des coquillages géants et devant affronter une espèce de calmar répugnant.
Par certains aspects, ces films ont pris quelques rides, notamment par leur obsession d’un virilisme antédiluvien : difficile de ne pas sourire en voyant l’Hercule velu de Jason et les argonautes (n’allons quand même pas jusqu’à dire que Jason ne veut plus qu’on l’embête avec cet Hercule !) ou les naufragés torses nus luisants dans L’Île mystérieuse… Ou encore par le jeu très daté des comédiens. Néanmoins, ces petits défauts ne ternissent en aucun cas le plaisir que l’on peut prendre à revoir, adulte, ces films. Jason et les argonautes, en particulier, s’avère bien construit et bien mis en scène par Don Chaffey (qui travailla pour la Hammer, notamment pour le mythique One Million Years B.C). Le film bénéficie de plus d’un humour bon enfant très agréable. Sans être un spécialiste de mythologie (faisons humblement profil bas), le film se révèle très fantaisiste et nous invite à la rencontre des dieux dans leur Olympe grâce à de naïfs jeux de surimpressions. Les immortels se chamaillent volontiers (Hera et Zeus en particulier) mais l’ambiance reste bon enfant.
L’Île mystérieuse possède également le charme de ces films d’aventures plein de péripéties. Le film de Cy Endfield est peut-être un poil plus poussif que celui de Don Chaffey mais il tire néanmoins un beau profit de son décor à la fois inquiétant (la grotte pleine de toiles d’araignée où git un squelette de pirate) et paradisiaque (la plage de sable blond). Autre point positif du film, la présence de Beth Rogan qui ajoute une charmante petite touche d’érotisme. Parce que pour la collection printemps-été 1961, nous aurons droit une minirobe (plus courte, on appellerait ça un t-shirt) confectionnée en peau de bête par une tante prévenante et qui va à ravir à la jeune femme. Je crois que cette tenue détrône dans mon cœur celle d’Ann Francis dans Planète interdite : c’est dire ! Notons également le plaisir de revoir le grand Herbert Lom (le mythique inspecteur Dreyfus, éternel ennemi de l’inspecteur Clouseau dans la saga de la Panthère rose) qui incarne ici un capitaine Nemo peroxydé du plus bel effet.
Bref, tout cela n’est pas très sérieux mais comme le dit très justement Mark Rappaport dans Debrat Paget, for example : « les souvenirs d’enfance ne se discutent pas ».
NB : A noter en supplément de Jason et les argonautes, un documentaire très complet sur Ray Harryhausen, le magicien des effets-spéciaux. Le DVD/BR est, par ailleurs, proposé avec un bel ouvrage (152 pages) consacré à ce même Harryhausen.