L’Héritage des 500 000 (1963) de et avec Toshiro Mifune (Editions Carlotta films) Sortie au cinéma le 3 avril 2019

© Carlotta Films

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Comme Charles Laughton, Barbara Loden, Marlon Brando ou… Jean Poiret, Toshiro Mifune fait partie de ces comédiens qui n’auront signé qu’un seul film. Pour cette unique réalisation, l’acteur fétiche de Kurosawa s’inscrit dans la tradition du cinéma d’aventures hollywoodien, reprenant à son compte les ficelles des plus classiques récits de chasse au trésor. Parce qu’il a participé pendant la seconde guerre mondiale à l’ensevelissement de milliers de pièces d’or aux Philippines, le commandant Matsuo est un jour convoqué par un riche homme d’affaires (Gunji) qui lui intime l’ordre de partir à la recherche dudit butin.

On a parfois reproché au mentor de Mifune, Akira Kurosawa, d’être le moins « japonais » des cinéastes classiques de sa génération. Il est vrai que le maître a inventé un cinéma syncrétique, mêlant à des éléments typiquement nippons des influences russes (Dostoïevski), américaines (le cinéma classique hollywoodien, en particulier John Ford) et européennes (la fureur shakespearienne). Mifune, même s’il fait référence à un épisode de la seconde guerre mondiale (l’occupation japonaise aux Philippines), se montre plus pragmatique et signe une œuvre d’obédience parfaitement hollywoodienne. Qu’il s’agisse de la psychologie des personnages ou de la construction du récit avec diverses épreuves, trahisons, mises en danger et retournements de situation, tout reprend les poncifs du classicisme américain. On devinera l'influence évidente de John Huston (Le Trésor de la Sierre Madre) dans L’Héritage des 500 000 avec le côté dérisoire et voué à l’échec de cette quête périlleuse.

Dire que le film est une pépite serait un bien grand mot (rappelons qu’il demeurait inédit en France jusqu’à aujourd’hui) mais force est de reconnaître que Mifune fait preuve d’un certain talent de réalisateur. Son film est plutôt bien fait et le spectateur suit ces péripéties sans le moindre déplaisir.

La caractérisation des personnages est assez sommaire et la manière dont le cinéaste peint leurs motivations assez schématique puisque s’opposent, en gros, un Matsuo qui accepte la mission à condition de restituer l’or aux familles des japonais morts aux Philippines et un capitaine particulièrement vénal qui ne pense qu’à son propre intérêt. Néanmoins, ce découpage grossier permet de maintenir une tension constante puisqu’on se demande constamment comment ces cinq aventuriers vont agir les uns envers les autres. Qu’un seul découvre la cachette et les autres deviennent soudainement menacés par celui qui voudra se l’approprier. Ajoutons à ça un Gunji qui suit toute l’affaire à distance mais de près.

Mifune aborde de façon assez traditionnelle la question de la convoitise de l’homme et oppose à l’appétit mortifère du gain une sorte d’éthique qu’incarne Matsuo (joué par Mifune) qui n’agit que pour une certaine idée de la justice.

Même si l’ensemble reste très classique (pour ne pas dire académique ?), L’Héritage des 500 000 séduit néanmoins par un savoir-faire certain et quelques « dissonances » apportées par certains points de montage plus percutants, quelques plans presque Léoniens et un finale pessimiste à souhait.

Sans crier au chef-d’œuvre, voilà une curiosité qui mérite qu’on y jette un œil…

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