Le Cavalier électrique (1979) de Sydney Pollack avec Robert Redford, Jane Fonda (Editions Carlotta films). Disponible en BR et DVD depuis le 26 juin 2019

@ Carlotta Films

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Je ne gardais pas un grand souvenir de ce film, n’étant pas un inconditionnel de Sydney Pollack, cinéaste néo-classique revisitant les territoires de ses glorieux aînés en y ajoutant une pincée de thématiques « de gauche » (notamment l’écologie). Serge Daney employait une jolie expression forgée par Jean-Claude Biette pour qualifier son cinéma gentiment académique en le désignant comme du « cinéma filmé ».

On retrouve un peu de ça dans Le Cavalier électrique lorsque le héros du film, Sonnie Steele, prend la tangente, retrouve les grands et somptueux espaces du Nevada et qu’il est rejoint par la fringante journaliste Hallie (Jane Fonda) pour un périple qui évoque les grands classiques du cinéma américain (le cow-boy ou aventurier bourru qui finit par succomber aux charmes de la belle enquiquineuse).

Mais reprenons les choses au début. Sonnie (Robert Redford) est un ancien champion du monde de rodéo. Un accident a mis un terme à sa carrière et il doit désormais vendre son image pour une marque de céréales afin de subsister. Pour les besoins d’un spectacle, il doit monter un magnifique pur-sang mais réalise que la bête a été droguée et qu’elle risque de devenir stérile. Il décide alors de s’enfuir à dos de cheval et d’aller rendre sa liberté à l’animal…

Dans un premier temps, Pollack se livre à une satire d’une société américaine gangrénée par le fric, l’appât du gain et la bêtise publicitaire, soutenue par d’horribles « shows » pré-berlusconiens. A cette civilisation, Sonnie préfère, en émule de Thoreau, le retour à la nature, la splendeur des grands espaces sauvages et la désobéissance civile. En s’enfuyant à dos de canasson, il fait un pied de nez aux investisseurs, aux cyniques qui exploitent l’animal et l’humain pour en faire de purs produits à rentabiliser.  L’opposition est sans doute un poil schématique, d’autant plus que Pollack choisit Las Vegas comme symbole de cette Amérique corrompue mais elle est assez efficace. Ce qui séduit le plus, c’est cette manière qu’a le cinéaste d’associer le parcours de son héros à la condition de son cheval. Comme l’animal, Sonnie est « drogué » (il s’est réfugié dans l’alcool), mis au pas, privé de liberté et exploité pour sa seule image. Lorsque le cow-boy explique à la journaliste les traitements qu’a dû subir le pur-sang, difficile de ne pas y lire en filigrane son propre portrait (y compris la menace de « stérilité » puisque Sonnie s’est séparé de sa femme). De la même manière, lorsqu’il s’agira de figurer les premières tensions sexuelles entre le cow-boy et la journaliste, c’est par les hennissements du cheval et son agitation qu’il le fera (Sonnie expliquera qu’il a senti la femelle !).

Le Cavalier électrique sera donc une longue marche vers la liberté. Pour le cinéaste, il s’agit de rompre avec un cinéma clinquant pour renouer avec les paysages du western et un rapport authentique à la vie. On pourra lui reprocher de ne pas être toujours très fin et d’utiliser des ficelles assez éculées. A ce titre, l’histoire d’amour entre le cow-boy bourru et la belle journaliste trop curieuse et bavarde est cousue de fil blanc, y compris dans les scènes « à faire » (Hallie au milieu de la nature sauvage avec ses cuissardes à talons).

Mais il faut aussi reconnaître à la mise en scène de Pollack un vrai souffle, un certain lyrisme et une jolie manière de mettre en valeur les décors naturels. Par ailleurs, il est difficile de nier le charisme du couple vedette Robert Redford, qui tournait là pour la cinquième fois sous la direction de son mentor, et Jane Fonda. L’image de ce cavalier attifé avec des guirlandes traversant nonchalamment les rues de Las Vegas est assez belle et offre un joli aperçu des contrastes sur lesquels le cinéaste cherche à s’appuyer.

Le résultat est parfois un poil caricatural mais toujours plaisant, comme un beau livre d’images à l’ancienne…

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