Dark Waters (2019) de Todd Haynes avec Mark Ruffalo, Anne Hathaway, Tim Robbins, Bill Pullman

©Killer Films et Participant Media

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Comme Clint Eastwood avec Le Cas Richard Jewell, Todd Haynes se penche sur l’histoire récente des Etats-Unis pour faire la lumière sur le scandale sanitaire du téflon. La ressemblance ne s’arrête pas là puisque le cinéaste s’attache à une figure individuelle (l’avocat Robert Bilott) qui va se dresser contre les puissants lobbys de l’industrie chimique et se mettre du côté du petit peuple. C’est parce qu’un ami de sa grand-mère vivant en Virginie-Occidentale vient lui expliquer son cas (ses troupeaux de vaches sont décimés en buvant l’eau du ruisseau qui passe à proximité de son exploitation) qu’il part en croisade…

Dark Waters est un « film dossier » avec toutes les qualités et défauts que l’on peut imaginer à la lecture de cette appellation. Côté « qualités », on louera l’efficacité narrative de Todd Haynes qui se montre à la fois pédagogue (la scène où Bilott explique qu’il n’était pas doué en chimie et demande à un expert d’exposer clairement les dangers de l’acide perfluorooctanoïque) tout en essayant de ne pas être (trop) schématique. On admirera également la capacité que conservent les américains à traiter rapidement de problèmes sociaux (en l’occurrence ici : environnementaux et sanitaires) sans oublier la dimension « spectaculaire » du cinéma. Ce qu’il pourrait y avoir de très didactique dans le film est atténué par un récit en forme de thriller psychologique et judiciaire et par un certain attachement à des personnages que le cinéaste ne réduit pas à des symboles. On sait que depuis Loin du paradis et Carol que Todd Haynes affectionne les individus ostracisés par l’ordre social dominant. Il y a de de jolis moments dans Dark Waters où l’on sent que Rob Bilott trahit sa classe sociale (à l’origine, il est avocat d’affaires et défend les intérêts de l’industrie chimique). Les regards qui se tournent vers lui après une échauffourée avec le grand patron de DuPont dans un coquetèle mondain disent très bien cet isolement qui menace l’avocat. De la même manière, les habitants du village empoisonné qui témoignent en premier sont l’objet de regards réprobateurs de la communauté puisque l’entreprise qu’ils attaquent est le premier employeur de la région. Ces petites touches donnent un côté humain à ce qui pourrait n’être qu’une mécanique démonstrative.

Néanmoins, Haynes ne réussit pas tout. Il tire parfois trop la ficelle du mélodrame pour susciter une émotion qui n’avait, au fond, pas besoin de ça. A ce titre, les scènes conjugales entre Mark Ruffalo et Anne Hathaway sont aussi inutiles que ratées. On se demande si, au fond, le cinéaste n’a pas voulu raconter comme Fincher dans Zodiac (et la présence de Ruffalo aide à faire ce rapprochement) l’histoire d’une obsession. Lorsque Bilott réceptionne des centaines de cartons de documents (histoire de noyer le poisson) et qu’il entreprend de tous les traiter, on sent qu’une certaine « folie » pourrait gagner le personnage. Mais comme dans le film d’Eastwood, il finit par manquer cette part de « négatif » qui aurait permis d’échapper au portrait un poil édifiant de ce justicier des temps modernes.

Reste alors une œuvre agréable et efficace qui a le mérite d’être documentée et d’éveiller les consciences. On aurait néanmoins aimé un point de vue plus affirmé et des partis-pris stylistiques un peu plus audacieux. Todd Haynes a souvent été un cinéaste de la retenue : on aurait préféré qu’il en montre moins cette fois-ci…

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