Phil Tippett : des rêves et des monstres (2020) de Gilles Penso et Alexandre Poncet (Editions Carlotta films). Sortie en DVD/BR le 27 mai 2020

© Carlotta Films

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Après un documentaire consacré à Ray Harryhausen et Le Complexe de Frankenstein, Gilles Penso et Alexandre Poncet poursuivent leur exploration du monde des effets-spéciaux en consacrant un film à Phil Tippett, l’un des créateurs les plus marquants de ces quarante dernières années puisqu’il fut engagé par ILM de Lucas pour participer à la première trilogie Star Wars tout en collaborant avec des personnalités comme Joe Dante (Piranhas), Paul Verhoeven (Robocop, Starship Troopers) ou Spielberg (les dinosaures de Jurassic Park).  

Phil Tippett : des rêves et des monstres est un film de fans réservés aux fans, avec les qualités et défauts de ce genre d’exercice. Côté positif, on louera forcément l’enthousiasme des réalisateurs pour Tippett et on appréciera également qu’ils insistent davantage sur son côté « artisan » (Tippett a beaucoup utilisé la « Stop Motion » et apparaît comme un véritable héritier d’Harryhausen) du bonhomme plutôt que sur la dimension industrielle de ses studios (la dernière partie de sa carrière, après Starship Troopers, est quasiment occultée et se limite à une simple énumération de titres).

Côté négatif, le film de « fan » a toujours un côté « fétichiste » sympathique mais qui risque de laisser de côté ceux qui ne s’intéressent pas au sujet abordé. D’un point de vue très subjectif, je dois reconnaître que non seulement les films auxquels Tippett a participé ne m’intéressent pas du tout (ce qui, après tout, n’est pas bien grave) mais que l’angle d’attaque très « geek » du projet -à savoir une sorte d’émerveillement enfantin face aux prouesses purement techniques de ces effets-spéciaux- ne parvient guère à éveiller la curiosité du néophyte.

L’une des forces du documentaire en général est, lorsqu’il est réussi, de parvenir à intéresser le spectateur à des sujets qui lui sont totalement étrangers (exemplairement, les paysans de Lozère et autres régions reculées filmés par Depardon). Gilles Penso et Alexandre Poncet ont tendance à s’adresser aux fans convaincus qui pourront revoir avec des yeux enamourés les figurines de Star Wars ou le vilain robot de Robocop. Mais jamais il n’est vraiment question de la singularité de Tippett, de ce que son art a pu apporter, d’une manière esthétique et plastique, aux films auxquels il a participé.

Après, le portrait de l’homme est touchant car il apparaît vraiment comme un artisan d’un autre temps, plongé dans ses rêves de gosse et occupant finalement (et malgré tout) une position assez marginale au cœur de l’industrie (c’est son épouse, en « chef d’entreprise », qui gère tout l’aspect matériel de sa passion). Mais on aurait aimé en savoir plus sur la spécificité de son style, ce que n’aborde que de façon très périphérique le film (ou alors de façon très emphatique et « américaine » : « c’est un génie », « un visionnaire »…)

La facture assez anonyme du documentaire n’aide pas non plus. Comme dans Le Complexe de Frankenstein, Penso et Poncet se contentent d’une succession de témoignages (Verhoeven, Dante…) séparés par des fondus et par quelques extraits (assez peu mais je soupçonne que soit en cause l’infernale question des « droits d’auteur ») peu significatifs.

Pour ma part, je dirais un peu sévèrement que c’est le type même de sujet qui ferait un bon bonus de DVD, rien de plus. Mais encore une fois, je ne suis pas le « public cible » et je ne voudrais absolument pas dissuader les « fans » qui trouveront dans ce film un hommage à leur passion partagée…

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