Sur les traces de Jackie Chan (2021) de François Barge-Prieur (Editions Lettmotif, 2021)

Jackie et François

Depuis l’enfance, François Barge-Prieur est un inconditionnel de Jackie Chan. Son idole lui a valu ses premières émotions de cinéphile et, sans le savoir, a peut-être influé sur sa propre trajectoire. L’idée du livre est de partir à la recherche du comédien, le temps d’une quête cinéphile mais également introspective. Qu’on ne s’attende donc pas à une étude exhaustive sur l’œuvre de Jackie Chan et à une dissection de tous ses films. Présenté en quatrième de couverture comme un « premier roman », Sur les traces de Jackie Chan est d’abord une autofiction où François Barge-Prieur détaille les étapes de sa quête, s’interroge sur la cinéphilie et sur ces « plaisirs coupables » (pourquoi devrions-nous nous sentir coupable à partir du moment où l’on éprouve du plaisir ?) qui nous constituent tous.

L’ouvrage adopte une approche purement affective et nous touche d’emblée. Car même si nous n’avons pas connu les mêmes expériences (j’ai dix ans de plus que l’auteur, mes goûts d’ado me poussaient davantage vers l’horreur et le fantastique que vers les gros bras et les champions d’arts martiaux…), chacun peut se reconnaître dans ces étapes primordiales qui façonnent notre cinéphilie à l’adolescence. En écrivant récemment un livre sur Bertrand Blier (désolé de ramener la couverture à ma petite personne), je suis parti des mêmes émotions que charrient les « premières fois » et la découverte de nouveaux horizons.

Pour François Barge-Prieur, les films de Jackie Chan firent croitre son inclination pour la Chine et sa culture et il raconte, le temps d’un beau passage, un long séjour qu’il fit dans ce pays, sac au dos.  

Avec humour et célérité, il nous fait partager les différentes étapes de son parcours du combattant pour arriver, coûte que coûte, à rencontrer son idole. Il s’agit d’envoyer des mails, de contacter les personnes qui l’ont déjà croisé (Cécile de France, par exemple) ou de discuter avec des fans ou des spécialistes.

L’ouvrage est très plaisant mais on ne peut pas s’empêcher de ressentir une légère frustration au bout du compte. Puisque le projet de François Barge-Prieur était de rédiger un ouvrage intime, il peut paraître mesquin de lui reprocher de n’avoir pas tenté de développer un peu plus l’aspect analytique. Pourtant, on aurait aimé, lorsque s’ouvrent certaines pistes (le rapport de l’acteur à la culture chinoise, son goût pour les grands burlesques comme Keaton ou Harold Lloyd…), que l’auteur les creuse un peu plus et qu’il nous offre un panorama un peu plus précis de sa filmographie car même s’ « il lui aura sans doute manqué la chance de croiser un grand réalisateur, qui sache, avec distance et créativité, donner pleinement la mesure de son talent (par opposition à la très fertile collaboration de Jet Li avec le duo Ching Siu-Tung/Tsui Hark, par exemple) », tout n’est sans doute pas à jeter dans son œuvre (que l’on songe à ses collaborations avec l’excellent Liu Chia-Liang).

A ce titre -mais pour le coup, l’auteur n’y est pour rien- les cinq entretiens intercalés dans le cours du récit sont pour la plupart extrêmement décevants. Si on excepte celui, passionnant, avec Charles Tesson qui revient sur la manière dont l’acteur a été découvert en France et sur les caractéristiques de son style ; les autres sont parfaitement anecdotiques et sans intérêt (même la délicieuse Cécile de France qui n’a finalement rien d’autre à dire sinon qu’elle ne s’intéresse pas du tout aux films de Jackie Chan et qu’en Belgique, on estime qu’ils sont destinés aux « beaufs » !).    

Encore une fois, ces réserves sont très personnelles car je connais très peu le cinéma « de » (comprendre « avec ») Jackie Chan et il me semble que le livre sur la vedette reste à faire. En revanche, le projet de François Barge-Prieur était d’écrire sur sa propre passion et son rapport intime avec le comédien et, de ce point de vue, le livre se lit avec grand plaisir et est plutôt réussi.  

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