Gary Cooper : prince des acteurs (2021) d’Adrien Le Bihan (Editions Lettmotif, 2021)

Gare à Cooper

Confessons d’emblée mon embarras pour vous parler de ce livre. Peut-être d’abord parce que je sais désormais le temps et l’énergie que prennent la rédaction d’un travail biographique et qu’il y a toujours quelque chose de profondément injuste à négliger tout ce travail d’un revers de main et quelques lignes lapidaires.

Outre l’intérêt évident qu’il y avait à consacrer une monographie à Gary Cooper, l’une des plus grandes stars hollywoodiennes mais qui n’a paradoxalement pas suscité beaucoup d’écrits en langue française, il est difficile de nier la somme de travail qu’a fourni Adrien Le Bihan pour rédiger son ouvrage.

En effet, ce que frappe d’abord à la lecture de Gary Cooper : prince des acteurs, c’est son caractère extrêmement documenté. L’auteur s’appuie sur de nombreuses sources, compare scrupuleusement les romans et les films lorsque Cooper a tourné dans des adaptations (Peter Ibbetson, Pour qui sonne le glas, Le Rebelle…) et souligne toutes les traces que le grand comédien a pu laisser dans la culture, qu’elle soit « savante » (la passion des surréalistes pour Peter Ibbetson) ou « populaire » (la chanson La Dernière Séance d’Eddy Mitchell) jusqu’aux écrivains qui l’ont abondamment cité (Romain Gary, Gérard Guégan…)

Le parti-pris de l’essayiste est classique puisqu’il procède de manière chronologique, passant assez rapidement sur la jeunesse de ce natif du Montana (en 1901) qui fut véritablement cow-boy avant de mettre ses compétences de cavalier au service du cinéma dès 1923. D’abord cascadeur pour qui une chute de cheval pouvait rapporter 5 dollars, il est engagé par la Paramount en 1926 et deviendra vite une immense vedette grâce à des films comme Les Ailes (Wellman), Morocco de Sternberg ou encore L’Adieu aux armes de Borzage.  

Adrien Le Bihan passe ensuite au peigne-fin la carrière de Cooper : ses rencontres avec Lubitsch (Sérénade à trois), Hawks (Sergent York), Hathaway (Peter Ibbetson), Capra (L’Extravagant Mr Deeds, L’Homme de la rue), Zinnemann (Le train sifflera trois fois) et beaucoup d’autres encore. Il s’attarde aussi, mais sans excès, sur la vie privée de l’acteur : son mariage, sa fille, ses nombreuses maîtresses (y compris Elizabeth Montgomery !) …

Alors pourquoi ces réserves que vous sentiez venir depuis ma première phrase et ce sentiment de frustration qui nous saisit à la lecture de cet ouvrage ?  Sans doute pour un grave défaut qui sera peut-être moins rédhibitoire pour vous (ou les férus de Gary Cooper) que pour moi : les résumés des films ! A ce stade, il ne s’agit même plus de résumés mais du récit complet et en détail des scénarios que l’acteur a tournés. Le procédé s’avère vite fastidieux et ne dit finalement pas grand-chose des spécificités du jeu de Cooper, sur sa manière d’appréhender ces rôles et de les incarner. L’auteur n’oublie pas toujours de s’attarder sur les caractéristiques de son jeu (sa retenue, son ironie…) mais ces notations sont un peu diluées dans une succession de descriptions beaucoup trop longues.  

Finalement, le livre devient beaucoup plus intéressant lorsqu’on s’éloigne un peu des œuvres et qu’Adrien Le Bihan évoque l’amitié liant Cooper à Hemingway, son rôle durant les investigations de la commission des activités anti-américaines (où il se montra très discret et probe) ou encore sa conversion au catholicisme à la fin de sa vie (Le Bihan montre très bien le caractère ambivalent de cette concession offerte à son épouse).

Gary Cooper : le prince des acteurs est donc un portrait fouillé et nuancé qui réjouira sans doute les amateurs du grand comédien. Les autres (ceux qui le connaissent moins) regretteront que sa filmographie n’ait pas été abordée de façon plus synthétique et analytique.

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