L’œil du labyrinthe (1972) de Mario Caiano avec Rosemary Dexter, Adolfo Celi, Alida Valli, Horst Frank (Éditions Artus films)

© Artus Films

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Un giallo qui débute par une citation de Borges n’est pas une chose commune. La scène d’ouverture du film est assez époustouflante : une scène onirique où un homme court dans un décor épuré et géométrique et où il finit assassiné par de nombreux coups de couteau. Cet homme, c’est Luca, un psychanalyste et l’amant de Julie (Rosemary Dexter) qui a fait ce rêve.

Inquiétée par ce cauchemar, la jeune femme entreprend de retrouver Luca qui a disparu. Après une autre belle séquence dans un couvent en ruine où Julie échappe à une tentative de meurtre (?), elle débarque dans une somptueuse villa en bord de mer où réside Gerda (Alida Valli) et divers pensionnaires qui ont tous connu Luca.

De Borges, Caiano glisse imperceptiblement vers Agatha Christie. En ce sens, L’œil du labyrinthe n’est pas véritablement un « giallo » (du moins, pas au sens orthodoxe du terme) mais davantage un policier à énigmes avec une jeune femme qui tente de percer les secrets d’une bande d’oisifs liée à un trafic de drogue. Que le film ne relève pas strictement du genre n’est pas forcément un handicap. Caiano séduit d’abord par la célérité de sa mise en scène, rythmée par une musique jazzy et syncopée, où le saxophone semble accompagner les mouvements de l’héroïne. Puis le rythme s’alanguit et le cinéaste joue la carte d’une ambiance plus feutrée, avec une pointe d’ironie quant à la description de ces individus désœuvrés qui passent leur journée à lézarder au soleil. Comme dans les films d’Ercoli, on retrouve une dimension satirique destinée à égratigner cette bourgeoisie gagnée par un certain vide existentiel. En exagérant un tantinet, c’est presque du Antonioni revisité par le papier glacé des magazines de mode.

Au cœur de ce microcosme, tout le monde a des secrets à cacher et des motifs pour avoir tué Luca. Caiano joue sur les regards et créé un climat de suspicion et de voyeurisme qui rend l’atmosphère générale moite. La belle Julie est l’objet de tous les regards, y compris d’un jeune homme un peu simple d’esprit qui a peint une toile représentant la mort de Luca. Si la mise en scène s’avère alors moins tonique, l’intrigue est relativement bien ficelée et on se laisse prendre à cette « enquête » au-delà des apparences. Peu à peu, les secrets sont dévoilés (nous nous garderons bien de les révéler) et Caiano de nous perdre un peu plus dans les méandres de son labyrinthe.

Sans être un cinéaste possédant une grande personnalité (comme tous les artisans du cinéma italien, il a œuvré dans de nombreux genres, du western jusqu’au poliziottesco en passant par la nazisploitation (Fräulein SS)), il possède un indéniable métier et son film est bien ficelé, naviguant entre les ficelles du cinéma policier, la satire discrète et les échappées oniriques et poétiques qui font le sel de cet œil du labyrinthe.

 

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