La Tour de Nesle (2021) de et avec Noël Herpe, Jezabel Carpi, Arthur Dreyfus (Éditions Tamasa) Sortie en DVD le 29 mars 2022

© Tamasa

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Qu’il s’agisse des films qu’il réalise lui-même (C’est l’homme) ou auxquels il participe comme acteur (Mon mec en collant, Noël et sa mère d’Arthur Dreyfus qui joue dans La Tour de Nesle), Noël Herpe tourne régulièrement autour des mêmes obsessions : l’identité, le travestissement, le rapport à la mère…

En choisissant d’adapter la pièce d’Alexandre Dumas La Tour de Nesle et de se replonger dans un Moyen-âge romanesque, il parvient à renouer avec ses marottes. Réalisateur, il incarne lui-même l’aventurier Buridan, à la fois adversaire et complice de la reine Marguerite. Au-delà des luttes de pouvoir mises en scène, des conspirations plus ou moins réussies, des retournements de situations rocambolesques, ce personnage lui permet de se travestir en bohémienne, de jouer constamment en collant ou d’être, à un moment donné, ligoté et bâillonné en attendant un sort cruel… De la même façon, et sans révéler tous les secrets du récit, Marguerite de Navarre incarne un personnage de mère « ogresse » très « herpienne », nouant des liens ambigus avec ses « fils », entre amour et répulsion, éloignement et étouffement.

Toutes ses thématiques se retrouvent au cœur d’un film qui ne ressemble à rien d’identifiable. Qu’on ne s’attende évidemment pas à une reconstitution historique luxueuse. Noël Herpe a tourné dans un lieu unique et quelques toiles aux murs suffisent à nous projeter dans un univers totalement autre. On sait que cette fameuse affaire de la tour de Nesle a été adaptée plusieurs fois au cinéma, de Capellani en 1909 (le film se trouve en supplément du DVD) à Abel Gance (avec Pierre Brasseur en Buridan) en passant par… Emile Couzinet. Herpe opte pour une théâtralité assumée, quelque chose qui pourrait évoquer à la fois Sacha Guitry pour l’omnipotence de l’auteur sur cet univers (dans l’entretien reproduit sur un petit livret qui accompagne le film, l’auteur évoque un tournage avec des amis, « des gens qui jouent un rôle dans mon théâtre intérieur ») mais aussi Perceval le Gallois de Rohmer lorsqu’il s’agit de jouer la carte d’une stylisation à outrance (notamment des décors). L’artifice théâtral n’est jamais masqué mais c’est paradoxalement une véritable foi dans le cinéma qui irrigue La Tour de Nesle et lui donne son intérêt. Sans effets tapageurs, Herpe parvient donner une forme cinématographique à son œuvre par un découpage précis, des inserts qui donnent soudainement une importance à des objets, de légers décadrages qui troublent, un gros plan sur une bouche qui livre un secret, des jeux sur la lumière et l’obscurité où semblent parfois se noyer les corps…

Alors certes, il faut accepter d’être confronté à un cinéma minimaliste qui tient son cap en dépit des contraintes budgétaires. Mais en faisant confiance à ses comédiens (tous excellents, avec une mention pour Jezabel Carpi), il parvient à donner de la chair à la pièce de théâtre originelle et à nous offrir une expérience de cinéma plutôt singulière et stimulante.

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