Un marteau pour les sorcières (1969) d'Otokar Vavra avec Vladimir Smeral, Elo Romancik, Josef Kemir, Sona Valentova (Éditions Artus Films)

© Artus Films

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Mort à 100 ans en 2011, Otokar Vavra fut une figure importante du cinéma tchécoslovaque puisqu'il débuta sa carrière en 1934 et poursuivit son œuvre sous tous les régimes imaginables : le nazisme pendant l'occupation allemande, le communisme (il fut membre du parti à partir de 1945) puis la social-démocratie. Il fut également professeur de cinéma pour les futurs cinéastes de la nouvelle-vague tchécoslovaque (Menzel, Chytilova...) et même de Kusturica.

Un marteau pour des sorcières est un film assez étonnant, un drame historique qui s'appuie sur les registres authentiques des audiences des tribunaux de l'inquisition pour bâtir son récit. Parce qu'elle a été surprise en train de voler une hostie, une vieille femme doit être jugée pour sorcellerie. Plutôt que de faire appel à un juge connu pour sa droiture, le seigneur du pays a recours à Bobling, un inquisiteur particulièrement obscurantiste.

Le film débute de manière étonnante puisqu'un religieux, filmé en très gros plans qui fragmentent les parties de son visages, entonne une litanie d'une misogynie rare, faisant porter tous les péchés du monde sur les épaules des femmes. Ce discours est entrecoupé par des plans en insert sur des corps féminins dénudés, objets de répulsion et sans doute de désirs réprimés de la part de l'homme d'église. Otokar Vavra, avec ce prologue, se place immédiatement du côté des femmes et de la manière abjecte dont l'église d'alors les traita. Car ce qui caractérise ces chasseurs de sorcières, c'est un rejet de la féminité et la peur du corps de la femme et de sa sexualité. Tous les procès qui vont leur être intentés tournent autour du sexe. Si elles pactisent avec Satan, c'est avant tout pour forniquer et se livre à d’infernaux sabbats. La frustration se lit d'ailleurs sur les visages de ces hommes de Loi et d’Église : c'est par exemple Bobling qui insiste pour que la bonne du doyen Lautner soit déshabillée devant lui afin de rechercher sur son corps une marque diabolique.

 

Vavra mène intelligemment son récit, filmé dans un beau noir et blanc qui donne un caractère vériste aux événements : arrestation des présumées coupables, interrogatoires suivis de tortures qui finissent par venir à bout de toutes les résistances. La cruauté de ces scènes fait froid dans le dos et montre très bien comment un pouvoir totalitaire peut asservir les corps et les âmes de ceux qui se dressent contre lui. Et c'est là où Un marteau pour les sorcières fait mouche : car si le réquisitoire contre l'obscurantisme religieux au temps de l'inquisition est évident (et sans doute particulièrement apprécié à l'époque en « république socialiste »), sa portée devient plus universelle et on peut deviner en filigrane de ces procès inquisitoriaux une certaine critique des régimes dictatoriaux et des allusions aux purges staliniennes. A ce titre, le personnage du curé qui dévoile l'affaire du vol d'hostie est passionnant. En effet, c'est lui qui précipite le sort des premières « sorcières » arrêtées mais qui s'en repent lorsqu'il voit leurs regards. D'une certaine manière, il incarne parfaitement la posture de l'homme qui croit en ses idéaux (le catholicisme comme le socialisme) et qui s'effondre lorsqu'il réalise qu'ils sont dévoyés (par goût du pouvoir). En ce sens, le film n'est pas anti-religion mais s'attaque à la manière dont elle est utilisée de manière politique, pour asseoir un pouvoir et asservir les populations.

La charge contre le pouvoir est salée et possède une force universelle. Vavra insiste bien sur les mécanismes dudit pouvoir : coercition violente, intimidation, chantage, mensonges et hypocrisie. Sa fable ne romantise pas du tout la figure fantastique de la sorcière : ce sont ici des femmes ordinaires, victimes de la folie de leur époque et des hommes qui les détestent. Tandis que ceux qui détiennent les ficelles du pouvoir sont montrés dans toute leur ignominie, les condamnées à mort bénéficient d'une véritable empathie qui permet à Un marteau pour les sorcières d'être un hommage à toutes les victimes de l'Histoire, passée et actuelle...

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