Nove ospiti per un delitto (1977) de Ferdinando Baldi avec Arthur Kennedy, Rita Silva, Venantino Venantini

Terreur Express (1980) de Ferdinando Baldi avec Silvia Dionisio, Zora Kerova, Venantino Venantini

Visages du cinéma italien : 22- Ferdinando Baldi

A l'instar d'un Giuseppe Vari, Ferdinando Baldi fait partie de ces cinéastes qui ont débuté avec des productions plutôt prestigieuses (l'un a été monteur de Fellini, l'autre a fait tourner Orson Welles) avant de devenir de consciencieux artisans d'un cinéma populaire qui les tiendra éloignés de la reconnaissance critique (si on met à part, bien évidemment, les bisseux et l'univers des fanzines qui ont toujours œuvré à mettre en valeur les cinéastes mal-aimés).

La carrière de Baldi est assez étonnante puisqu'il débute au début des années 60 comme coréalisateur de péplums aux côtés de cinéastes étrangers (Français, Britannique ou Américain) : Richard Pottier pour David et Goliath, Terence Young pour Les Horaces et les Curiaces, Richard Thorpe pour Les Tartares. Il réalise ensuite quelques péplums en solo avant de se spécialiser dans le western. Baldi fut (sans doute sans le vouloir) l'un des spécialistes des « faux Trinita ». En effet, il fit tourner Terence Hill avant l'immense succès d'On l'appelle Trinita ce qui occasionna des retitrages frauduleux : T'as le bonjour de Trinita (1967) ou Trinita, prépare ton cercueil (1968, également connu sous le titre Django, prépare ton cercueil!). En 1974, il signe un western parodique connut ici sous le titre Mon nom est Trinita mais où ne jouent ni Terence Hill, ni Bud Spencer.

Nove ospiti per un delitto et Terreur Express constituent des œuvres assez atypiques que Baldi a réalisées à la fin de sa carrière (il continuera de tourner jusqu'en 1988), le premier pouvant entrer dans la catégorie du giallo et le second adoptant quelques caractéristiques du « rape and revenge »sans qu'on puisse toutefois affirmer que ces deux films relèvent véritablement de ces filons.

S'il fallait trouver des points communs entre les deux œuvres, on pourrait souligner que Baldi prend soin dans les deux cas d'isoler un groupe de personnages dans un lieu circonscrit et de les soumettre à la violence. C'est sur une île isolée que se retrouvent les neufs hommes et femmes de Nove ospiti per un delitto tandis qu'un train sert de décor unique à Terreur Express. Dans les deux cas, on peut aussi deviner le tribut que paye Baldi à Agatha Christie : évident dans Nove ospiti per un delitto qui reprend le principe des Dix Petits Nègres et des éléments de Rendez-vous avec la mort. Plus lointain dans Terreur Express dont le décor évoque néanmoins Le Crime de l'Orient-Express.

Visages du cinéma italien : 22- Ferdinando Baldi

Nove ospiti per un delitto narre les aventures d'un patriarche, accompagné de sa jeune épouse, qui passe des vacances dans une île paradisiaque avec ses enfants et leurs conjoints. Dans la mesure où un héritage est en jeu, les rancœurs font très rapidement surface d'autant plus que les couples sont mal assortis et que tout le monde couche avec tout le monde. Après qu'une des femmes du groupe a disparu en mer, une série de crimes va avoir lieu... Si l'on peut à la limite rattacher ce film au giallo, c'est davantage à un film comme La Baie sanglante de Bava qu'il fait songer. En dépit d'un mystérieux tueur aux gants noirs et d'un traumatisme originel (l'assassinat d'un homme sur cet île), Nove ospiti per un delitto adopte davantage le mode opératoire du slasher avec la vengeance comme ligne d'horizon et une succession de meurtres parfois assez sanglants (une décapitation ou encore un harpon qui transperce le cou d'un homme). Au-delà du caractère assez classique de l'intrigue, très inspirée par Agatha Christie comme déjà souligné, le gros défaut du film vient de la difficulté qu'a Baldi de caractériser ses personnages. Jamais il n'arrive à faire croire aux tensions qui existent entre eux et toutes ces histoires de coucheries ne sont pas crédibles une minute (en gros, la femme laisse son mari seul dans le lit et va s'envoyer en l'air au salon avec son beau-frère alors que tout le monde peut passer dans le coin !). Difficile en plus de s'y retrouver face à ces silhouettes interchangeables et mollement dessinées. Un peu d'érotisme soft (dans le premier tiers du métrage) tente de faire passer la pilule mais c'est largement insuffisant1.

Dans Terreur Express, Baldi jongle une nouvelle fois avec de nombreux personnages mais parvient à les caractériser de manière un peu plus convaincante. On constatera néanmoins que certains sont plus ou moins évincés en cours d'intrigue et qu'ils ne présentaient donc pas un grand intérêt. Par ailleurs, le film est dépourvu de véritable point d'accroche, si ce n'est que trois petits voyous prennent le contrôle d'un wagon et font régner la terreur pendant tout le trajet. Baldi s'inspire beaucoup de l'excellent Dernier Train de la nuit d'Aldo Lado mais sans la moindre distance et sans cette réflexion sur la violence et le regard qui traversait ce film. Dans Terreur Express, les trois mâles décérébrés violent une passagère et contraignent une prostituée d'abord récalcitrante (la fameuse « ragazza del vagone letto » du titre original) à coucher avec eux. Si les trois larrons seront punis pour leur crime, difficile néanmoins de rattacher ce film au courant du « rape and revenge » tant ce filon obéit à des règles qui ne sont pas respectées ici (c'est moins la pure vengeance qui l'emporte qu'une forme de justice).

Le film se suit sans véritable ennui mais sans grand enthousiasme tant il est dénué de véritable enjeu dramatique. Ainsi, les voyous qui devraient susciter une terreur constante et une horreur absolue sont parfois présentés comme « désirables » et une jeune fille (syndrome de Stockholm ?) tombe amoureuse d'un des agresseurs. On notera néanmoins quelques éléments assez tordus, assez caractéristiques de ce cinéma « bis » italien puisqu'un honorable père de famille chipe la chemise de nuit de sa fille et demande à la prostituée du train de l'enfiler avant de faire l'amour. Pendant leurs ébats, il donnera à sa partenaire le prénom de sa fille, apportant à la scène un caractère incestueux bien déviant. Comme dans Nove ospiti per un delitto, le film joue la carte d'un érotisme assez prégnant mais toujours très soft.

On a beau faire preuve d'une certaine indulgence pour les sympathiques artisans du cinéma populaire italien, force est de convenir que ces deux titres ne nous feront pas relever la nuit et qu'ils peinent à susciter un grand intérêt. Juste une (petite) curiosité pour des œuvres typiques d'une époque à jamais révolue.

1 J'ai d'ailleurs dû voir une version tronquée car Frédéric Pizzoferrato (dans Une étude en jaune : giallos et thrillers européens) fait état d'une scène de masturbation sous une douche qui n'était pas présente dans la copie que j'ai visionnée.

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