Violez les otages ! (1977) de Giovanni Brusadori avec Lilli Carati, Ines Pellegrini

Visages du cinéma italien : 24- Sesso e violenze

Unique réalisation de Giovanni Brusadori, doubleur et acteur de second couteau qui fit quelques apparitions chez les Taviani (Sous le signe du scorpion), Pupi Avati ou encore Dino Risi (La Carrière d’une femme de chambre), Violez les otages ! mérite mieux que son atroce et racoleur titre français (Le Evase, le titre italien est plus conforme à la teneur du film, même si le sous-titre - Storie di sesso e di violenze- précise quand même que nous restons dans le cadre du cinéma d’exploitation).

Le titre original annonce d’emblée qu’il s’agit d’une évasion : quatre détenues parviennent à s’enfuir d’une prison grâce à la complicité du frère de l’une d’entre elles. Mais au cours d’un échange de coups de feu, l’homme est blessé et pour s’en sortir, les femmes prennent en otage les passagers d’un bus et trouvent refuge dans la somptueuse villa d’un juge. Dès lors, le récit sera un quasi huis-clos et s’inscrira dans une sous-catégorie assez bien représentée du genre policier : le film de prise d’otages (Desperate Hours de Cimino, Inside Man de Spike Lee…).

La première chose qui frappe en découvrant Violez les otages !, c’est la manière dont il s’inscrit parfaitement dans son époque, mettant le doigt sur les plaies de la société italienne des « années de plomb », un peu à la manière du poliziottesco de ces années-là.

Monica l’héroïne, jouée par la délicieuse Lilli Carati qui débuta aux mitans des années 70 en enchaînant comédies sexy – La Prof du bahut de Tarantini- et films plus dramatiques – l’étonnant Avoir 20 ans de Di Leo- avant de se spécialiser dans l’érotisme devant la caméra de Joe d’Amato et la pornographie hard, est une militante révolutionnaire d’extrême-gauche condamnée pour des actes de terrorisme. Ses compagnes de fortune relèvent du droit commun (ancienne prostituée, criminelle…) et le film pose alors la question de la légitimité de la violence : parce qu’ils ont été commis au nom de beaux idéaux marxistes, est-ce que les crimes de Monica sont plus légitimes que ceux perpétrés par des bandits ? Le film interroge assez subtilement cette question du recours à la violence car il en montre à la fois les impasses sans pour autant se placer du côté de l’ordre et du pouvoir. Ainsi, le juge qui sermonne Monica, elle-même personnage plutôt sympathique, et fait l’éloge du droit dans une optique très « sociale-démocrate » se révèle être le plus infâme des porcs lorsque la situation lui permet d’abuser de son pouvoir (il viole la jeune femme tombée en disgrâce du côté du groupe de preneuses d’otages).

Pour ce qui est des scènes d’action, de planter une atmosphère pesante et d’instaurer une certaine tension (la belle scène où le chauffeur du bus et une otage tentent de s’évader), Brusadori fait preuve d’une belle maîtrise. Mais comme le sous-titre nous promettait du « sexe et de la violence », il faut bien reconnaître que la dimension « érotique » de l’œuvre gâche un peu l’impression d’ensemble. Non pas qu’elle ne pouvait pas s’accorder avec la dimension sordide du récit puisque cette promiscuité non voulue entre les otages (je ne l’ai pas précisé mais il s’agit des membres d’une équipe de tennis féminine) et les quatre preneuses d’otages pouvait légitimer cette tension érotique. Mais le côté racoleur finit par l’emporter, avec une des meneuses lesbienne qui tente d’abuser d’une jeune prisonnière ou encore de cette autre preneuse d’otage qui viole le chauffeur de bus. Le pire étant peut-être les scènes intervenant à la fin, alors que la tension est à son comble (la police encercle la villa) et qu’une simple bouteille d’alcool suffit à dérider tout le monde et à faire danser les otages dépoitraillées. Ce n’est donc pas tant l’érotisme qui gêne (il manquerait plus que ça !) que la manière dont il est amené et qui finit par faire retomber la tension « policière » de l’ensemble. Notons également que nous sommes dans le cadre d’un cinéma d’exploitation qui sait parfois titiller les limites. Rien de véritablement transgressif ici mais quelques scènes assez glauques, comme celle où toutes les otages sont invitées à aller aux toilettes en file indienne ou cet autre moment où les criminelles obligent le juge à se pisser dessus.

Si on accepte ces quelques conventions assez racoleuses, force est de constater que Violez les otages ! est un film de bonne facture, bénéficiant d’une fin glaçante et qui parvient à sa manière à saisir quelque chose des soubresauts sociaux qui agitèrent alors l’Italie du milieu des années 70.

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