Visage(s) du cinéma italien : 53- Piero Vivarelli
La Possédée du vice (1970) de Piero Vivarelli avec Nadia Cassini, Beryl Cunningham
Auteur d’une quinzaine de films, Piero Vivarelli ne laissera sans doute pas plus dans les mémoires collectives que la trace d’un artisan sans grande envergure. N’ayant vu que deux films de ce cinéaste, je me garderai néanmoins de tout jugement définitif mais les titres de sa filmographie laissent peu d’espoir quant à la présence possible d’une pépite. En revanche, on peut accorder au réalisateur un certain métier et le soin accordé à la mise en scène dans La Possédée du vice, par exemple, l’éloigne des plus vils tâcherons du cinéma bis. S’il commence à travailler comme scénariste et parolier de chansons (notamment avec Zurlini sur un morceau de La Fille à la valise) dès le début des années 50, il débute réellement à la réalisation en 1960 avec Sanremo, la grande sfidai. Parmi ses titres relativement célèbres, citons Rita, la figlia americana en 1965, film musical avec la star Toto et ses deux adaptations de « fumetti » : Mister X en 1967 et le réussi Satanik en 1968.
En tournant La Possédée du vice en 1970, Vivarelli va à la fois changer de braquet et lancer la mode en Italie du film exotique mâtinée d’érotisme plus ou moins explicite. C’est en effet aux Caraïbes que ses personnages vont vivre leurs aventures, ouvrant une brèche pour de nombreux films tournés en République Dominicaine, notamment ceux de Joe D’Amato (Sesso nero, Orgasmo nero, Porno Holocaust…). Le cinéaste poursuivra ensuite dans cette voie en reprenant certains codes du « mondo » dans Le Décaméron noir (1972), toujours avec la belle actrice jamaïcaine Beryl Cunningham qui fut sa compagne ou le mystérieux et tentant Codice d’amore orientale en 1974.
Filmant des cérémonies vaudous dans La Possédée du vice, Vivarelli s’approche à un moment précis du « mondo » en montrant le sacrifice (réel) d’une chèvre. Mais ces cérémonies sont surtout un moyen de donner au film une teinte fantastique qui transparaît davantage dans le titre original (Il dio serpente – aka « le dieu serpent ») que dans sa version française racoleuse.
La belle Paola (Nadia Cassini) rejoint donc son très fortuné mari Bernard dans sa propriété paradisiaque des Caraïbes. Sur place, elle se lie d’amitié avec Stella (Beryl Cunningham) qui l’initie aux rites vaudous. Assistant à une cérémonie, Paola est désormais assaillie par les images d’un homme noir musculeux avec qui elle fait l’amour. Fantasmes ? réalité ? Le récit va jouer sur cette ambiguïté de manière assez constante.
Après un début un peu laborieux où Vivarelli se contente d’aligner de jolies cartes postales (les plages des Caraïbes font effectivement très envie !), le film devient un tout petit peu plus intéressant lorsque cette dimension fantastique pointe le bout de son nez. Malheureusement, le cinéaste à la pédale un peu trop lourde lorsqu’il joue la carte du folklore (une cérémonie vaudou, ça va mais au bout de trois fois, l’ennui pointe le bout de son nez). Et son film pêche, paradoxalement, par une trop grande sagesse. Si le cinéma italien commence à s’encanailler en ce début des années 70, le film reste encore très timide par rapport aux excès qui feront sa marque de fabrique à la fin de la décennie et au début de la suivante (songeons justement aux films de Joe D’Amato). L’érotisme reste ici très léger, tout juste digne de feue la case « film du dimanche soir sur M6 » (aucun « nu intégral » ou à peine entr'aperçu) et ne choquera guère que les fidèles de Saint-Nicolas du Chardonnet ou les zélés dévots de Caroline de Haas. Quant au fantastique, il est dénué des excès sanglants ou déviants qui seront légion par la suite dans le genre. L’œuvre est soignée mais ne suscite guère mieux qu’un ennui poli.
Plus intéressant est le regard « décolonial » (pour reprendre un mot forgé par les idéologues d’aujourd’hui) porté par Vivarelli sur les occidentaux aux Caraïbes. Si l’on en croit la plus célèbre des encyclopédies en ligne, Vivarelli -après quelques égarements de jeunesse- milita au sein du PCI de 1949 à 1990. On sent chez lui un regard critique quant aux préjugés des riches occidentaux lorsqu’ils sont à l’étranger. Lorsque Paola aperçoit Stella pour la première fois faire l’amour avec un homme sur une plage, elle commence à faire l’éloge du « bon sauvage » vivant en liberté. Bernard la reprend tout de suite et lui apprend que Stella est loin de ce cliché, qu’elle est cultivée et institutrice. Par la suite, les exactions de l’inquisition et de la religion catholique imposée aux indigènes seront critiquées au détours d’un dialogue, témoignant d’un respect indéniable pour les traditions et usages locaux. Malgré ces précautions, Vivarelli n’évite pas toujours une certaine vision paternaliste et succombe de tant en tant aux clichés de « l’étalon noir » comme objet sexuel fantasmatique (cliché que dénoncera avec beaucoup de force Fleischer dans Mandingo) ou à une vision très folklorique des îles tropicales.
Reste alors la somptueuse Nadia Cassini dans l’un de ses premiers rôles. Si on ce souvient d’elle dans Starcrash : le choc des étoiles de Luigi Cozzi, elle deviendra par la suite l’une des quatre reines de la « comédie sexy » italienne (les trois autres étant, je le rappelle pour les plus distraits parmi vous, Lilli Carati, Gloria Guida et l’incontournable Edwige Fenech) pour ses rôles en vedette dans La Championne du collège (Carnimeo), L’Infirmière du régiment (Laurenti) et L’infirmière a le bistouri facile (Tarantini).
Rien que pour sa présence magnétique, le spectateur indulgent pourra pardonner beaucoup de choses à Vivarelli…
i Wikipédia crédite Vivarelli comme coréalisateur en 1959 de Go, Johnny Go !, le film musical de Paul Landres à l’inverse d’IMDB. J’ai pour habitude de me fier davantage à ce dernier site mais le mystère – de mon côté- reste entier.