Stridulum (1978) de Giulio Paradisi avec John Huston, Mel Ferrer, Glenn Ford, Lance Henriksen, Shelley Winters, Sam Peckinpah, Franco Nero

Visage(s) du cinéma italien : 54- les coproductions

Nous l'avons souvent répété : le cinéma populaire italien s'est souvent emparé des grands succès hollywoodiens pour en proposer des versions dégradées et nourrir d'inépuisables filons. Mais le cinéma italien d'après-guerre, ce fut également de nombreuses coproductions, que ce soit avec la France, l'Espagne (notamment pour les westerns), l'Allemagne parfois mais aussi les États-Unis ou l'Angleterre. Parallèlement aux vieilles gloires d'Hollywood tentant de trouver un nouveau souffle à Cinecittà, Carroll Baker, par exemple, c'est aussi grâce à ce système de coproductions que l'on retrouve parfois des vedettes chez des artisans du bis (nous parlions il y a peu de Kirk Douglas chez Alberto de Martino).

Stridulum (aka The Visitor en anglais et Le Visiteur maléfique en VF) est un cas assez particulier car il a les atours d'un véritable film américain, parlé en langue anglaise et tourné en grande partie à Atlanta. Mais il est signé Giulio Paradisi (sous le pseudonyme de Michaël J. Paradise pour faire plus yankee), cinéaste discret (cinq films seulement au compteur) qui débuta comme acteur, en jouant notamment des silhouettes chez Fellini (La Dolce vita, 8 ½). Il bénéficie ici d'un des castings les plus hétéroclites qu'on puisse imaginer. En effet, on y trouve aussi bien de grands metteurs en scène vieillissants (John Huston dans le rôle du « visiteur »), Sam Peckinpah), des anciennes gloires des studios hollywoodiens (Glenn Ford – oui, oui, la vedette de Gilda de Vidor et de Règlement de compte de Lang!- Shelley Winters – La Nuit du chasseur, Lolita... -, Mel Ferrer – Scaramouche, Guerre et paix...) mais aussi Lance Henriksen (l'androïde d'Aliens, le retour, Terminator...) ou Franco Nero dans le rôle de... Jésus.

 

Tout cela peut laisser augurer d'un improbable pudding, d'autant plus que le début du film, situé sur une planète lointaine avec des extra-terrestres préoccupés par la présence d'une créature démoniaque réfugiée sur terre se caractérise par des effets visuels assez démodés et un messianisme un brin cucul. Mais l’œuvre emprunte ensuite un autre chemin lorsque nous débarquons à Atlanta et que nous réalisons que c'est sous les traits d'une fillette arrogante que se dissimule ladite créature maléfique. Il devient alors une relecture assez habile de La Malédiction de Donner et s'inscrit de manière plutôt originale dans la tradition des films tournant autour d'enfants criminels (Le Village des damnés restant l'un des titres-phares de ce courant). Il y a toujours quelque chose d'efficace à filmer les pires turpitudes chez des êtres qui représentent, a priori, la forme la plus achevée de l'innocence (les enfants). Et la jeune Katy, avec son visage angélique, se révèle particulièrement démoniaque. Vivant seule avec sa mère, elle parvient à lui tirer dessus de manière accidentelle (?) et à la rendre paraplégique. Par ailleurs, son amant qui appartient au clan des forces du Mal, est chargé de l'engrosser pour offrir à la terre un petit frère à Katy et une nouvelle incarnation du démon. Le scénario est classique (le visiteur incarné par Huston tentera de déjouer ces plans et de protéger Barbara, la mère) mais il est solidement mis en scène, avec suffisamment de rebondissements pour tenir en haleine le spectateur (Katy s'en prend à tout ceux qui cherchent à avertir sa mère, notamment le détective joué par Glenn Ford qu'elle agonit d'injures avant de provoquer un accident spectaculaire). Paridisi évite les excès sanglants mais signe quelques belles scènes inquiétantes (l'attaque de Barbara par sa fille, la confrontation entre Katy et le visiteur dans une étrange galerie des glaces...) qui donne un certain cachet au film.

On regrettera peut-être quelques longueurs (la fin s'étire un peu inutilement), quelques rides (surtout dans le prologue et l'épilogue) mais globalement, Stridulum reste un film fantastique honnête et plaisant.

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