Le crocodile de la mort (1976) de Tobe Hooper avec Marilyn Burns, Mel Ferrer, Robert Englund, William Finley

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Pour avoir signé avec Massacre à la tronçonneuse l’un des plus grands films américains des années 70, Tobe Hooper aura toujours droit à notre estime. Pourtant, la suite fut moins reluisante (voilà un doux euphémisme !) et l’on en vient à se demander si notre lustucru ne restera pas ad vitam aeternam l’homme d’un seul film.

Il retrouve dans Le crocodile de la mort son héroïne de Massacre Marilyn Burns (qui crie toujours aussi bien, merci pour elle) mais les choses ont changé : au réalisme fruste du film originel s’est substitué un scénario totalement dépareillé de petite série B horrifique, parfois pas désagréable mais un peu pénible sur la longueur.

Pourtant, il serait aisé de voir ici une sorte de continuité avec Massacre à la tronçonneuse. Judd, qu’interprète avec une certaine conviction Neville Brand, pourrait être un rejeton tardif de la famille tarée qui sévissait dans le chef-d’œuvre de Hooper. Sauf qu’ici, il tient un hôtel borgne bien glauque et joue les Norman Bates dégénérés en tuant ses clients à coups de faux voire de râteau avant de livrer leurs corps à un crocodile qui vit dans les eaux alentours.

Je le redis : la force « documentaire » d’Hooper a ici totalement disparu et ne reste alors qu’un vague coin de studio où viennent s’agglutiner sans véritables raisons des victimes toutes désignées. Je ne suis pas un fanatique du « réalisme » à tout crin dans le cadre d’un film d’horreur mais il y a des limites. Ainsi, j’ai du mal à accrocher lorsqu’une fille revient à l’hôtel, ne se préoccupe même pas de savoir si son père est revenu (alors qu’il vient d’être décimé) et se déshabille tranquillement dans sa chambre !

Je sais bien que le résultat final d’un film ne dépend pas uniquement du scénario, aussi abominable soit-il (avec le crocodile de la mort, Hooper fait dans le gratiné !). Le problème, c’est que la mise en scène ne me paraît pas tellement inventive, avec ces jeux de lumière baveux qui finissent par irriter. L’image est toujours un peu sale et peu expressive (nous sommes loin des jeux coloristes d’un Bava ou d’un Argento). Ce n’est donc pas très intéressant et l’on s’ennuie un peu.

Ce qui finit par forcer l’intérêt, c’est la cruauté du cinéaste. L’atmosphère craspec me semble moins réussie que dans Massacre à la tronçonneuse mais il y a toujours chez le cinéaste une agressivité morbide assez réjouissante. J’aime beaucoup la façon dont le tueur fou poursuit la petite fille du film et notre subconscient sadique espère même un moment, en réaction contre l’exaltation permanente et dégoulinante de l’enfant-roi chère à notre époque, qu’elle finisse en rondelles. Malheureusement, ça ne sera pas le cas !

Reste aussi un casting assez improbable où l’on croise le tout jeune Robert Englund (le futur Freddy), impayable en bouseux ricain, William Finley, qui venait à peine de remiser son masque du Phantom of the paradise mais également toute une arrière-garde hollywoodienne assez impressionnante que ce soit Mel Ferrer (dont je vous ai parlé il y a peu puisqu’il jouait dans le Born to be bad de Nicholas Ray), Carolyn Jones (qui joua à la fois chez Kazan et Morticia Addams dans la série télé La famille Addams) ou encore Stuart Whitman (vu chez Curtiz). Hooper semble prendre plaisir à insister sur le délabrement physique de ces acteurs et les vieillir plus que nécessaire pour donner à son film une ambiance encore plus pesante. Ce n’est pas inintéressant.

Au final, voilà un petit film un peu bancal, un peu ennuyeux en raison de ses situations téléphonées et de son scénario invraisemblable mais dont le caractère sale et mal élevé séduit par intermittence.

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