La fureur de vivre (1955) de Nicholas Ray avec James Dean, Natalie Wood

 

Fausse alerte ! Contrairement à ce que je vous annonçais, Cinécinéma Classic poursuit bel et bien le cycle Nicholas Ray. Ce qui m’a induit en erreur, c’est que la chaîne câblée a poussé le scrupule jusqu’à diffuser Le paradis des mauvais garçons de Josef Von Sternberg uniquement parce que Ray l’a supervisé et terminé. Mais pas d’inquiétude, nous allons pouvoir continuer à vous parler de l’auteur de Johnny Guitar pendant un petit bout de temps (aura-t-on l’occasion de voir Rêves humides, le film érotique à sketches auquel il participa dans les années 70 ? J’en rêve !).

Pour le coup, nous le retrouvons aujourd’hui avec LE film qui fit sa légende.

Est-il encore nécessaire de présenter La fureur de vivre, classique parmi les classiques que je n’avais pas revu depuis un bail ?

Une simple énumération pourrait suffire : James Dean (mort quelques jours avant la sortie du film), la veste rouge de la star, la course de voitures au bord de la falaise, le final dans le planétarium…

Film le plus connu du cinéaste, La fureur de vivre n’est pas, osons l’écrire, son meilleur. Entendons-nous bien : s’il sortait chaque semaine un film du niveau de celui de Ray, je ne me ferais aucun souci pour l’avenir du cinéma. Mais comparé à d’autres classiques (et même les siens, je pense au génial Les amants de la nuit), l’œuvre a pris quelques rides.

Peut-être parce qu’on a du mal à voir dans cette bande de jeunes en mal de sensations fortes les « rebelles » qu’ils sont censés être. A vouloir saisir une réalité sociologique évidente des années 50 (l’apparition d’une catégorie sociale autonome : les jeunes), le cinéaste s’est exposé à subir les outrages du temps puisque ladite catégorie a énormément évolué.

De la même manière, le rapport aux pères (que ce soit celui de James, qui veut faire copain/copain avec son fils ou celui de Natalie Wood, trop strict et distant envers sa fille)  est traité de manière un peu schématique et lourdingue. On comprend donc très vite que ce qui ne va pas chez ces jeunes « voyous » vient d’un malaise au cœur de la famille. Ca ne va donc pas très loin…

N’empêche que la fureur de vivre reste très supérieur à un film comme Graines de violence de Brooks car il n’y a chez Ray aucune volonté de moraliser l’affaire ou d’en tirer des conclusions édifiantes. On retrouve plutôt cette manière inimitable qu’il a de filmer des personnages au bord du précipice, toujours en équilibre instable entre le Bien et le Mal.

Avec quelques années en moins, Jimmy est un double du Bogart du Violent ou du Robert Ryan de la maison dans l’ombre : un être ambigu et tourmenté capable de laisser exploser soudainement la violence qu’il contient en lui (voir la scène où le flic le laisse se défouler sur un bureau). Tous les jeunes que le cinéaste met en scène sont dans cette ambivalence et vous remarquerez que le cinéaste les filme souvent au-dessus de l’abîme : dans la fameuse scène de la course de voitures (toujours aussi impressionnante) mais pas seulement.

Violence et ambiguïté : tels sont les courants qui traversent ce film sanguin, à l’image de la veste rouge que porte l’acteur et qui semble cristalliser tous les désirs et les passions du récit. Lorsque Jimmy offre cette veste à son ami Plato (celui qui disjoncte), il se joue là quelque chose comme un lien de filiation (ce père qui a manqué au jeune homme) et quelque chose de presque plus ambigu (une amitié « particulière », dirons-nous).

Est-ce que je divague ou il y a vraiment un sous texte homosexuel assez latent dans ce film ? Car ce qui meut le personnage principal, c’est de savoir « quand on devient un homme » et il s’interroge sans arrêt sur sa « virilité ». Toutes ces courses, ces bagarres ne seraient-elles que de la poudre aux yeux pour tenter de se prouver qu’il est « vraiment » un homme et qu’il se distingue ainsi de son père si peu viril avec son tablier de parfaite ménagère ?

Délire d’interprétation ? Peut-être !

Toujours est-il que Nicholas Ray, une fois de plus, nous propulse au cœur des zones d’ombre de l’humain et il le fait avec une force indéniable…

 

 

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