Les onze commandements (2004) de François Desagnat et Thomas Sorriaux avec Michael Youn, Vincent Desagnat, Dieudonné, Patrick Timsit, Gad Elmaleh

 

 

 

Pour paraphraser une petite phrase relevée dans le dernier album des Malpolis (auquel j’ai consacré il y a peu une note ici), je dirais de Michael Youn ,et de tous les beaufs ringards de son espèce qui squattent honteusement les écrans de cinéma alors qu’ils ne méritent que le fumier de la petite lucarne , qu’il manie parfaitement la connerie comme arme contre le rire.

Des Bronzés 3 à Brice de Nice en passant par Michael Youn, ce Triton de la fosse d’aisance télévisuelle, et tous les rogatons du one-man-show prétendument comiques, jamais la comédie française n’a été aussi bête, aussi veule, aussi bassement et cyniquement mercantile. Même les horreurs signées jadis par Philippe Clair, Max Pécas ou Michel Gérard faisaient montre de moins de mépris pour le public. Ca restait du très mauvais boulevard, de l’almanach Vermot  faisandé mais ils cherchaient à faire des films.

Désormais, les comédies qui sortent sur grand écran et qui écrasent celles qui ont un peu d’ambition et de talent (qui a vu les jolis films d’Emmanuel Mouret ? qui a vu Vénus et Fleur ?) ne sont que de vulgaires produits dérivés destinés à vendre une pseudo-vedette venant généralement de la télé. Qu’une aussi scabieuse idole que Youn ait pu un jour faire rire quiconque est une hypothèse que je n’arrive même pas à concevoir, à moins qu’elle en dise long sur le délabrement d’une époque où l’on a pulvérisé le rire, où il n’en reste rien.

 

 

 

Paraît que le concept de ces Onze commandements est tiré d’une émission diffusée sur MTV et intitulée Jackass . Heureusement qu’il y a Télérama pour m’informer car il est hors de question que je m’abaisse à regarder ne serait-ce qu’une seconde ce genre d’idioties dégradantes ! Le principe, né des répugnantes couches de la  « télé-réalité » , consiste à réaliser les paris les plus stupides et, éventuellement, les plus dangereux. Notre bande de crétins velus se voit donc sommée de jouer au « beach-volley » après avoir avalé du viagra , de servir des plats dans un resto après avoir longuement effectué des rotations sur eux-mêmes ou de faire du rollers en ayant pris un somnifère. Qu’est-ce qu’on se marre !

 

 

 

Le résultat, c’est la cassette vidéo qu’une bande d’étudiants en droit avinés ou une chambrée de troufions aurait pu réaliser. Des blagues de potaches qui suintent la beaufitude la plus crasse, la bêtise la plus satisfaite (c’est la pire !). Ca se veut branché (le comique franchouillard d’antan, incarné ici par l’incolore Timsit, est moqué) et ce n’est que la reprise (en moins drôle) des antédiluviennes « caméras invisibles » qui donnèrent lieu, dans les années 80, à toute une série de films bien oubliés (les anges sont pliés en dieux, les anges se fendent la gueule : déjà des titres bibliques !) 

 

 

 

Non  seulement c’est incommensurablement NUL mais il se dégage de ce type de produit (on n’ose dire film tant cet étron relève de la pub la plus odieuse, du clip le plus ridicule) un esprit proprement détestable. Je n’ai même pas envie de m’énerver particulièrement contre ce moment répugnant où le bouseux hispide se déguise en Hitler et organise un meeting (franchement, qu’est-ce qu’on se marre !) C’est la conséquence de l’assassinat que l’époque ne cesse de perpétrer contre le rire. D’un côté, on rit de tout sans conséquence, juste pour faire du fric et l’apologie du connard parvenu. D’autre part, le rire n’engage à rien et doit bien se garder de déranger (dire que certains ont qualifié Youn de « provocateur » juste parce qu’il montre son cul à la télé !). Dans ces paris stupides, il pourrait y avoir quelque chose de subversif, un appel à sortir de son train-train,  à « irréprimer ses instincts » [Marcel Moreau] et à réimaginer son quotidien. Or un avertissement au générique met en garde le spectateur contre toute tentative d’imiter ce qu’il va voir à l’écran (qui d’ailleurs, à mon avis, est plus ou moins falsifié). Si Youn et sa bande de mous du bulbe avaient vraiment pris des risques et dérangés un tant soit peu les habitudes de ce « monde de l’erreur complète » [William Blake] en allant, par exemple, entarter Nicolas Sarkozy (comme Noël Godin) ou empêcher l’ouverture de toutes les banques d’une ville en bouchant les serrures avec des allumettes coupées dans le sens de la longueur et de la glu (comme Robert Dehoux), j’aurais applaudi des deux mains !

Ici, on sent sans arrêt le minable parvenu qui sait qu’il peut transformer une suite luxueuse en basse-cour ou faire voler en éclat une télé et des platines puisque les dégâts seront entièrement pris en charge par la production.

Voilà à quoi sert votre fric lorsque vous prenez un billet pour une bouse pareille : à brûler la bagnole de Michael Youn !

Qui a dit que la « racaille » se trouvait en banlieue ?…

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