A l’ombre des potences (1954) de Nicholas Ray avec James Cagney, John Derek

 

Coincé dans la filmographie de Ray entre La fureur de vivre et Johnny Guitar, ce western sympathique peine à apparaître comme autre chose qu’un petit divertissement mineur. Pourtant, sur le papier, l’œuvre était prometteuse tant elle semble dans la continuité parfaite de l’œuvre du maître : un héros lesté d’un lourd passé, un jeune homme qu’il prend sous son aile et qu’il aime comme le fils qu’il a perdu (toujours ce rapport de filiation cher à Ray), des personnages ambigus qui peuvent basculer, par hasard ou par pulsions, du côté du Bien ou du Mal, la présence du grand (enfin, façon de parler !) James- l’ennemi public- Cagney et même une belle actrice suédoise (Viveca Lindfors) pour assurer la partie romantique de l’entreprise…

Le résultat est loin d’être déshonorant : tourné dans des décors naturels superbes que magnifie un flamboyant Vistavision ; le film est habilement mis en scène et rien n’empêche le spectateur d’être captivé pendant une heure trente.

Mais contrairement aux grands films de Ray, A l’ombre des potences s’avère plus « banal », moins violent et sanguin qu’un chef d’œuvre comme Johnny Guitar, par exemple. 

Prenons le personnage de Matt (James Cagney) : il devient shérif de la petite bourgade où il atterrit alors que son passé ne le prédisposait absolument pas à cette fonction (il a fait de la prison). Homme ayant connu les deux versants opposés de la Loi, nous pouvions nous attendre de la part du cinéaste qu’il joue sur cette ambivalence, cette ambiguïté. Or il n’en fera rien : Matt a été condamné autrefois par erreur, d’où son attachement aujourd’hui à une véritable justice (il punit les lyncheurs qui n’attendent pas de jugement pour régler le compte de certains bandits).

Plus intéressant est sa relation avec Davey, le jeune homme qu’il prend sous sa protection. Comme un personnage sorti de la fureur de vivre, Davey cherche à se construire en remettant en question l’autorité de ce père de substitution, quitte à frôler les précipices. Attiré par le Mal comme par un aimant, il devrait être le personnage le plus intéressant. Malheureusement, il est incarné par John Derek, acteur plutôt fadasse (et je ne dis pas ça parce que ce salaud s’est tapé Ursula Andress et Bo Derek !) qui le rend assez transparent (symptomatiquement, Ray l’oublie pendant un bon petit bout de temps).

Reste alors une très jolie fin qui rappelle le cinéaste à notre bon souvenir (l’interprétation du « visible » peut-être sujet à caution : Matt en fera les frais ! Je me rends compte que cette phrase demeurera perpétuellement sibylline au pauvre lecteur qui n’a pas vu le film mais je ne vais tout de même pas vous raconter la fin ! ) et un « métier » propre au classicisme hollywoodien qui vous épargnera le moindre sentiment d’ennui…

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