Serial noceurs (2005) de David Dobkin avec Owen Wilson, Vince Vaughn, Christopher Walken

 

Sur le papier, le film a tout pour faire fuir. Deux trentenaires, ados attardés et spécimens caractéristiques de « l’homo festivus » contemporain, s’amusent à squatter toutes les noces possibles et à jouer les parasites. Double avantage : manger à l’œil et conquérir des filles bien évidemment portées à la romance un jour de mariage. Mais leur vie basculera le jour où ils s’incrusteront au prestigieux mariage de la fille d’un ministre (Christopher Walken)…

Tout pour faire fuir, disais-je en introduction, parce qu’on imagine très bien ce que ce type de scénario aurait pu donner s’il avait été réalisé en France. On voit déjà l’humour gras et beauf, la répugnante apologie du fric et de la fête (option « jet set ») comme parangon de la modernité, les gags référentiels (style BO pour karaoké et apparitions de stars de la télé)  et un flot de personnages caricaturaux sans la moindre nuance.

Or une fois de plus, la comédie américaine prouve qu’elle peut très bien jouer la carte du gag lourd (ponctuellement) sans être dénuée d’ambition ou, du moins, de subtilité.

Serial noceurs, dont je n’attendais franchement rien, m’est apparu comme une agréable surprise. Autant le spectateur sait à peu près tout ce qui va se passer au bout de 20 minutes de film (l’intérêt ne vient pas de péripéties assez prévisibles), autant il reste admiratif par la manière qu’à Dobkin (comme avant lui les Farrelly ou Apatow) d’offrir aux personnages une véritable épaisseur et de parvenir à leur donner diverses facettes.

Si l’on excepte le fiancé de Claire, la ravissante demoiselle convoitée par Owen Wilson, qui endosse le seul costume du salaud ; une véritable humanité perce sous l’écorce de chaque personnage, même s’il a d’abord été caricaturé pour les besoins de la comédie.

C’est particulièrement vrai pour le duo de fêtards qu’incarnent à la perfection Owen Wilson (vu et aimé chez Wes Anderson) et Vince Vaughn (le Norman Bates de Gus Van Sant). Le premier joue les clowns blancs, avec sa bouche en cul-de-poule et ses airs de chiens battus tandis que l’autre endosse le rôle de l’Auguste qui se fait bâillonner par une nymphomane et qui reçoit du plomb dans le derrière. Complémentaire, le duo comique fonctionne plutôt très bien et l’on rit souvent de leurs mésaventures même si certains gags visent largement en dessous de la ceinture  (voir le repas en famille plutôt tordant).

Surtout, le réalisateur ne se cantonne pas à les filmer comme deux crétins sur lesquels le film viendrait faire son beurre mais leur offre une vraie personnalité. Les cyniques se gausseront d’un certain sentimentalisme pas toujours heureux (Apatow et les Farrelly ont tendance eux aussi à s’engluer parfois dans ces marais là) mais d’une manière générale, le projet est plutôt bien tenu entre le rire franc et une  volonté de fiction qui passe par le dessin de véritables personnages.

Même des personnages secondaires qui sont moqués (le père, interprété par un impérial Christopher Walken ou sa fille nympho et/ou vierge) se révèlent au bout du compte plus complexes qu’ils en ont eu l’air. Et une fois de plus, je dirais que Dobkin parvient à greffer de l’humain sur du mécanique (les grosses ficelles de la comédie Outre-atlantique) sans passer par le traits comiques les plus évidents.

Attention, je ne suis pas en train d’écrire que Serial noceurs est le chef-d’œuvre de ce début de millénaire mais, ce qui est déjà beaucoup, une comédie estimable où l’on rit de bon cœur car sans avoir jamais l’impression que ce rire soit bas ou facile.

Le rire américain (je parle de ces comédies que j’évoque depuis quelques temps avec vous) n’est jamais méprisant et ne regarde pas ses personnages de haut (laissons ça à Harel ou Onteniente !).

Ce n’est pas un rire qui salit et, croyez-moi, ça fait du bien…

 

 

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