OSS 117 : Le Caire, nid d’espions (2006) de Michel Hadzanavicius avec Jean Dujardin, Aure Atika

 

Pas certain que j’aie abordé OSS 117 dans les conditions les plus favorables. J’avais en tête le flot de dithyrambes que ce film obtint de la part de la critique intello s’esbaudissant soudain qu’on puisse produire de tels  « chefs-d’œuvre » en France. Les Cahiers, par exemple, avaient fait assez fort dans le domaine du délire interprétatif.

D’un autre côté, reconnaissons aussi que ces échos favorables parvinrent à piquer ma curiosité et me laissèrent espérer voir enfin une bonne comédie française.

Or même si je n’irai pas jusqu’à prétendre que le résultat est du bran, je dois reconnaître que l’ensemble m’a laissé un peu perplexe (pourquoi tout ce délire ?) et plutôt déçu.

Détaillons.

Même si le signalétique dont j’use ce soir laisse imaginer un certain ennui, reconnaissons au film certaines qualités.

Primo : cela faisait fort longtemps que nous n’avions pas vu une comédie qui ne néglige pas totalement la direction artistique. Pastiche des films d’espionnage des années 50-60 (signés alors André Hunebelle, Michel Boisrond, Pierre Kalfon ou Jean Sacha), OSS 117 : Le Caire, nid d’espions s’amuse à en retrouver l’esthétique jusque dans l’utilisation des transparences. La photo est soignée (couleurs un peu passées d’époque), le cadre est plutôt beau et relativement inventif, la musique furieusement typée années 50.

Deusio : cela faisait aussi très longtemps que nous n’avions pas vu une comédie francaoui s’évertuant à construire des gags par le biais d’une véritable mise en scène (oh le gros mot pour les têtes de veaux de la charcuterie télévisuelle qui viennent vendre leur soupe sur grand écran !). Certains gags m’ont semblé vraiment très bons, que ce soient ces poules qui se taisent dès que la lumière s’éteint (et qui permet à Hadzanavicius de jouer sur le gag hors champ ou simplement sur le son) ou encore une très belle poursuite dans des rues du Caire se ressemblant toutes. Lorsque dépité d’avoir perdu la trace de celui qu’il poursuivait, OSS 117 consent à demander son chemin à un autochtone ; le cinéaste se permet même de filmer la scène en plan d’ensemble alors que n’importe quel tâcheron se serait contenter de filmer la gueule ahurie de l’acteur (en gros plan) en entendant son interlocuteur lui donner les plus invraisemblables explications en arabe. Conséquence directe de cet effort de construction des gags : le spectateur rit de bon cœur et j’admets volontiers que certains passages sont savoureux (j’ai un faible pour les flash-back délicieusement ringards).

Hélas, trois fois z’hélas ! Il me semble que le film ne tient pas le coup sur toute la durée. Pour deux raisons dont la première est entièrement subjective.

Assumons donc cette subjectivité en confessant mon peu d’intérêt pour les interprètes principaux de ce film. Certes, Jean Dujardin est plus supportable que dans l’immonde Brice de Nice (un des pires étrons franchouillards jamais tournés !) mais je persiste à ne trouver aucun charisme à ce comédien et à estimer que son jeu est fort limité. Ici, il se limite à une parodie malhabile de Sean Connery dans les James Bond en se contentant de répéter ad nauseam les mêmes œillades agrémentées d’un petit jeu avec le sourcil assez lassant. Face à lui, Aure Atika me paraît aussi crédible en princesse égyptienne que Carole Bouquet en coiffeuse décolorée de province et son jeu assez scolaire n’arrange rien ! (par contre, Bérénice Bejo s’en tire mieux et a beaucoup plus de charme).

Quand à la deuxième raison qui m’a empêché d’adhérer totalement au projet d’Hadzanavicius, c’est ces réminiscences de « l’esprit Canal » que je ne supporte plus du tout. Le côté « pastiche » du film est très plaisant mais je suis beaucoup plus sceptique concernant son aspect « second degré » tellement convenu et usé jusqu’à la corde.

Je m’explique. Bien évidemment, l’intrigue d’ OSS 117 est totalement insignifiante et débile. Le personnage n’a, lui non plus, aucun intérêt (c’est un crétin dont le spectateur plus malin et mieux pensant que lui doit rire de son nationalisme, de son esprit de vieux colon et de ses préjugés racistes et même homophobes). En jouant sans arrêt sur ce second degré surplombant, le cinéaste se condamne lui-même à renvoyer son film sur les plates-bandes de la succession de sketches se terminant par une chute. Parfois la chute est drôle (si, si) ; mais quand elle ne l’est pas, on finit par s’ennuyer, faute de « liant ».

Pardonnez-moi de revenir à la comédie américaine mais dans des films comme 40 ans, toujours puceau ou Serials noceurs, le spectateur ne trouve pas le temps long lorsqu’il ne rit plus car les réalisateurs ont su créer de véritables personnages et inscrire les gags dans un récit avec des enjeux (aussi convenus soient-ils !)

C’est ce qui manque, me semble-t-il,  à OSS 117 : Le Caire, nid d’espions et qui l’empêche de s’élever au niveau de l’excellent Le magnifique de De Broca où, pour le coup, l’aspect parodique n’empêche pas la construction d’un vrai récit et de personnages attachants. Je repensais aussi à l’inspecteur Clouseau de Blake Edwards. Lui aussi est un crétin qui parvient à ses fins par hasard. Cela n’empêche pourtant pas le spectateur d’être toujours « à son niveau » et si l’on s’amuse de ses bourdes et gaffes, on ne gausse jamais de sa « bêtise ».

Dans le film d’ Hadzanavicius, il y a toujours ce côté « petit malin » très caractéristique de ce qu’est devenu l’humour Canal + ces derniers temps qui le fait paraître un brin mesquin et inégal.

Dommage car l’ensemble est soigné et témoigne d’une ambition plutôt rare dans le cadre de la comédie à la française…

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