Bronco Billy (1980) de et avec Clint Eastwood et Sondra Locke

 

A la question « êtes-vous eastwoodien ?» (que pourrait poser l’ami Ed), je répondrais « plutôt mais avec modération ». Je m’explique : autant rétrospectivement je trouve exagérée la manière dont le cinéaste a été incendié à ses débuts (le fameux épithète « fasciste » qu’on lui  colla à la peau), autant je suis un peu agacé par le culte que lui voue désormais la critique cinéphilique (c’est tout juste si certains n’en font pas le plus grand cinéaste du monde ! Il ne faut pas exagérer !).

Je suis prêt à admettre qu’Eastwood a réalisé de bons, voire de très bons films (mes préférés : un monde parfait, Sur la route de Madison) mais certains sont forts mauvais quand ils ne sont pas tout simplement nauséabonds (l’ignoble La sanction ou le répugnant Maître de guerre).

A priori, Bronco Billy se situe plutôt dans la veine que je préfère du cinéaste, celle d’Honkytonk man ou du beau Breezy. Pourtant, le résultat me paraît un peu en deçà de ces deux titres et je vois pointer, ça et là, les défauts propres à Eastwood.

Tout critique qui se respecte ne manquera pas, en découvrant Bronco Billy, d’affirmer que Clint Eastwood s’amuse une fois de plus à jouer avec son image en se plaçant du côté des paumés et des perdants. Certes, il incarne ici un directeur de cirque ambulant tout en assurant un numéro de « meilleur tireur du Far West » aux côtés d’une troupe de bras cassés, pour la plupart des repris de justice.

Cela ne l’empêche pas d’être, effectivement, un excellent tireur (il ne loupe sa cible qu’une fois au début) et il compense le côté ringard de son entreprise par la brouettée de bons sentiments qu’il traîne derrière lui (la troupe joue gratuitement pour les enfants pauvres ou pour les fous). Du coup, j’ai du mal à ne pas sourire quand j’entends évoquer le « courage » de la star qui n’hésite pas à mettre à mal son image ! Clint reste ici la star qui n’hésite ni à blâmer un de ses collègues parce qu’il a déserté (Clint « progressiste » ? Laissez-moi rire !), ni à recommander aux enfants de bien faire leurs prières !

Ce ne sont sans doute que des détails mais Bronco Billy est nimbé de cette espèce de sauce puritaine et bien-pensante qui m’agace souvent chez le cinéaste (voir les ignobles scènes de l’hôpital dans Million dollar baby).

A côté de ça, je dois bien reconnaître que ce film réalisé très classiquement (Eastwood n’a pas encore la maîtrise dont il témoignera dans des films comme Impitoyable) s’avère pourtant assez attachant.

Pas parce que l’acteur joue les « anti-stars » mais parce qu’il persiste à jouer au cow-boy à une époque où ils ont disparu. La vision du genre n’a ici rien de mélancolique (nous ne sommes pas du tout dans la problématique de la « fin du western ») mais elle est totalement enfantine. Puisque seuls les enfants croient désormais aux cow-boys, aux indiens et aux clowns ; Bronco Billy s’exhibe dans un cirque et fait revivre sur une scène le temps glorieux du Far West. Les meilleures scènes sont ces moments où les numéros de la troupe se reflètent dans les regards des enfants. De la même manière, j’aime beaucoup ce passage où Clint décide, pour renflouer son entreprise, de braquer un train. L’attaque se termine par un parfait fiasco dans la mesure où les machines ont fortement évolué depuis l’époque des pionniers et que quelques chevaux ne sont plus capables aujourd’hui d’arrêter une locomotive.

Pourtant, Bronco Billy y croit. Il ne veut pas ranger ses armes, quitte à ne plus s’adresser désormais qu’à ses « petits crapauds » ou aux habitués des asiles psychiatriques.

Cette croyance indéfectible au cinéma qu’il a aimé permet à Eastwood de réaliser un film plutôt léger et parfois touchant. Rien d’original dans ce récit (l’histoire d’amour entre le cow-boy et la riche héritière est fort convenue) mais on se laisse prendre par la chaleur de cette petite communauté aussi ringarde qu’attachante…

 

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