Hell (2006) de Bruno Chiche avec Sara Forestier, Nicolas Duvauchelle

 

Les soirées du blogueur cinéphile ne sont pas toujours, loin s’en faut, une sinécure. Imaginez- le-vous se cassant la tête pour alimenter, vaille que vaille, d’une note quotidienne son site et combler ainsi l’attente de milliards de lectrices (au diable la modestie, disais-je hier !) fébriles et conquises par avance. Mais voilà, lorsque l’indigence des sorties cinéma rime avec celle des programmations télé, il devient très difficile de faire un choix. Et c’est ainsi que le blogueur courageux se retrouve à regarder Hell, adaptation cinématographique d’un roman à succès signé Lolita Pille.

Comme il existe des « romanciers de gare », je crois qu’on peut difficilement qualifier Bruno Chiche d’autre chose que de « cinéaste de gare ». Barnie et ses petites contrariétés n’était pas un film désagréable mais il avait la consistance d’un sandwich SNCF : de quoi caler pendant la projection mais laissant sur sa faim une fois le générique terminé.

Hell, c’est de la littérature à l’eau de rose, une épouvantable bluette toute crottée par les clichés les plus niaiseux (sur les pauvres petits fils à papa qui souffrent d’un manque d’affection parentale et qui noient leurs chagrins dans la coke) et sans la moindre inspiration. Je n’ai pas lu le livre de Lolita Pille mais, à voir le film, (dont elle cosigne les dialogues), je doute que ça s’élève au-dessus d’une copie d’élève de CAP esthétique. L’écrivain a juste su surfer sur la mode du « trash » pour refourguer son indigente « love story ». Nous voilà donc dans une société de minables petits-bourgeois pleins de fric (tous les « petits-bourgeois » ne sont pas pleins de fric mais il faut entendre par le biais de cette désignation que ces gens sont épouvantablement médiocres, vides et nuls. Duvauchelle a beau être plein aux as, il ne pense qu’à sa Porche- ce qui est déjà un gros gage de médiocrité !- et il regarde en  DVD et sur écran géant des navets avec… Bandéras !) et Chiche de nous refourguer tout le catalogue des signes extérieurs de « modernité » : coucheries de gauche à droite (mais qui peinent à masquer le grand cœur sentimental des personnages, évidemment !), alcool, drogue, partouzes, fringues et bagnoles de luxe…

Nous montrer ce monde aussi inintéressant qu’un éditorial du Nouvel Observateur pourrait s’entendre, à la rigueur, s’il y avait là une réflexion sur l’état de décomposition avancée d’une certaine « élite » qui ne possède désormais plus rien si ce n’est la ridicule somme d’avoirs que procure l’argent. Mais Chiche n’a aucune vision de ce style et se contente de sa romance estampillée « Harlequin » (que l’on se shoote ou que l’on braille « à bas Sarkozy » dans un film ne signifiant absolument pas qu’on s’extirpe du moralisme le plus crapoteux et du conformisme le plus rance, au contraire !).

On sauvera de la déroute la mignonnette Sara Forestier, assez convaincante même s’il manque cruellement un Kéchiche pour la regarder.  Face à elle, Nicolas Duchauvelle me paraît toujours avoir autant d’expressivité qu’une bûche et se cantonne à marmonner des dialogues ineptes lorsqu’il n’exhibe pas d’ignobles tatouages qui trahissent plus le chauffeur routier que le fils de bourgeois friqué qu’il est censé être !

Hell est donc absolument nul mais ma sévérité, pour être tout à fait juste, devrait plutôt s’exercer sur le matériau de départ (à savoir, le livre de Virginie Desp…, pardon, Lolita Pille !) car le pauvre Bruno Chiche fait avec ce qu’il a, c'est-à-dire presque rien. Avec ce presque rien, il arrive à faire quelques beaux cadres et on lui sait gré d’oublier parfois de découper son film en anonymes champs/contrechamps et de parvenir à élargir son champ de vision le temps de quelques plans fixes pas trop mal composés.

Ce n’est certes pas grand-chose et ça ne sauve pas (loin de là !) le film mais peut-être qu’avec quelque chose de plus consistant, Chiche arrivera à nous étonner. C’est tout le mal qu’on lui souhaite…

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