Diary of the dead (2007) de George A. Romero de Michelle Morgan

 

Avant de vous donner mon avis sur ce film, il faut d’abord vous prévenir que je l’ai découvert dans les pires conditions que l’on puisse imaginer. Je pense que pour l’engeance stupide des distributeurs, le cinéma d’horreur reste synonyme de divertissement débile pour ados décérébrés (pléonasme !) et que c’est pour cette raison que le dernier opus de Romero n’est sorti que dans une salle anonyme de mon Gaumont local, devenu depuis quelques temps une de ces insultes au bon goût que sont les multiplexes.

Nonobstant le prix exorbitant de l’entrée (huit euros !), j’ai du me fader une version française absolument dégueulasse qui s’explique sans doute par le fait que pour satisfaire des ados décérébrés (pléonasme !), il est inutile de chercher plus loin que des voix de gourdes de films pornos ou de stentors Stalonnisés ! Mais le pire était à venir lorsque nous constatâmes que la salle s’emplissait peu à peu desdits ados décérébrés (pléonasme !). Passons sur les trois dindes qui gloussèrent seulement lorsque les lumières étaient allumées, prouvant qu’elles étaient capables de mettre leur insane médiocrité en berne pendant près d’une heure trente.

Mais comment supporter ce troupeau de veaux juvéniles, incapables de fermer leurs gueules pendant une séance de cinéma et obligés de ruminer leurs répugnantes chips (ou pop-corn, c’est la même chose !) afin que tout le monde en profite ? Je m’excuse par avance pour nos amis les bêtes à qui j’ose comparer cette cohorte d’homoncules ahuris : il y a sans doute plus d’humanité dans les yeux d’une vache qui regarde passer un train que chez ces avachis du bulbe, sinistres petits consommateurs abrutis par leurs jeux vidéos, leur télévision et leur musique mongoloïde qui, dans les lieux publics, se croient encore dans leurs chambres fétides !   

Le bouquet fut atteint lorsque l’odieux fils de putain qui me servait de voisin osa sans vergogne décrocher son portable pendant la séance avant d’envoyer tranquillement ses SMS. Quand je pense à la manière dont les fumeurs sont traités comme les pires des pestiférés alors que leur fumée est infiniment moins nuisible que cet odieux fléau qu’est le portable ! Dans des moments pareils, je rêve que l’avortement soit autorisé jusqu’à 18 ans et que ces maudits téléphones servent d’instruments de torture à ces crétins dont le dernier neurone valide semble uniquement destiné à appuyer sur le clavier de leurs saloperies !

Bref : c’est bien la dernière fois que l’on me verra foutre les pieds dans un multiplexe (je le jure solennellement ici) et ce sont sans doute toutes ces raisons qui font que Diary of the dead, aussi intéressant soit-il, m’a un tantinet déçu.

Ce qu’il y a d’intéressant chez les morts-vivants de Romero (pardon pour la tarte à la crème) c’est qu’ils symbolisent toujours un état de crise sensible dans la société américaine : la contestation de la fin des années 60 et le Viêt-Nam (la nuit des morts-vivants), le consumérisme à tout crin (Zombie), le militarisme triomphant sous l’immonde Reagan (le jour des morts-vivants) et le 11 septembre et la paranoïa sécuritaire américaine (Land of the dead).  

Avec Diary of the dead, Romero s’attaque au « tout image » et à la domestication desdites images. Le film, sur le modèle du Projet Blair Witch et des films récents que nous n’avons point vus (REC, Cloverfield) semble tourné par un vidéaste amateur, un étudiant qui tente avec ses camarades de fuir les hordes de morts-vivants qui semblent désormais contrôler la planète.

Avec son recours aux images mises en ligne sur Internet, aux petites vidéos tournées avec les portables (ce fléau !) et aux caméras de surveillance ; on songe également au dispositif mis en place par De Palma dans Redacted. Mais ce qui m’a un peu gêné, c’est que contrairement à ses quatre films précédents, Romero semble cette fois-ci théoriser avant de filmer.

Lorsque la petite amie du filmeur se dispute avec lui en lui montrant l’inanité de son rapport au Réel (« ça n’existe donc pas, puisque tu ne l’as pas filmé ! » l’invective t-elle plusieurs fois) ; on sent que le dispositif du film n’a été bâti que pour offrir des scènes de ce style aux spectateurs et l’obliger à réfléchir sur son rapport aux images (existe-t-il une réalité hors de ce qui est filmé ? sommes-nous manipulés par les images ? Qui les contrôle ?)

Mis à part le fait que la réflexion, même si elle n’est pas inintéressante, ne va pas forcément bien loin (nous ne sommes pas chez Baudrillard !); le spectateur sent parfois l’artifice d’un dispositif dont Romero ne sait plus trop se dépatouiller (ça donne des scènes où celui qui est derrière la caméra « commente » l’action et en réduit ainsi la crédibilité).  

Malgré ces réserves, le film est plutôt habile (le côté « tournage amateur » donne un cachet d’urgence aux images qui n’est pas désagréable) et j’aime toujours la manière dont Romero traite ses morts-vivants : pas d’explications rationnelles à cette invasion, refus d’une happy-end et incarnation paradoxale d’une altérité niée par l’Amérique traditionnelle. Les premiers zombies que nous voyons sont, sans contexte, une incarnation des minorités (latinos) américaines et la très belle scène finale remet les pendules à l’heure pour montrer que la véritable horreur n’est pas là où on la croit. Un personnage le dit d’ailleurs directement : « eux, c’est nous » et c’est ce malaise existentiel qui fait, malgré tout, le prix de ce film que je reverrai sans aucun doute mais tout seul chez moi, et en anglais…

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