L'adaptation impossible
Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban (2004) d’Alfonso Cuaron avec Daniel Radcliffe, David Thewlis, Garry Oldman, Maggie Smith, Emma Thompson
Contrairement à ce que mon esprit de contradiction pourrait laisser penser, je ne suis pas un farouche détracteur du phénomène Harry Potter. Bien sûr, le merchandising éhonté, le matraquage publicitaire qu’on nous inflige à chaque sortie de livre ou de film me tapent sur le système ; mais je reconnais volontiers prendre un vrai plaisir à lire les aventures de l’apprenti sorcier et de ses complices. Notez que je ne suis quand même pas un fanatique qui attend fébrilement chaque tome de la saga et qui se jette sur le livre en anglais dès qu’il est disponible. Je laisse volontiers passer la déferlante et cela ne me gêne en rien d’avoir toujours trois trains de retard ! Ainsi, me suis-je arrêté, pour le moment, au quatrième volume écrit (je les ai plutôt appréciés même si un léger sentiment de redite se fait de plus en plus prégnant à mesure que l’auteur avance dans son cycle) et je découvrais hier la troisième adaptation cinématographique du phénomène littéraire (adaptations pour lesquelles je suis beaucoup plus sévère).
Je n’ai pas grand chose à dire sur ces films qui sont, d’une certaine manière, des paris impossibles. D’un côté, il y a l’univers foisonnant de JK. Rowling impossible à retranscrire littéralement à l’écran (à moins de faire un film de six heures, je ne vois pas comment il est possible d’insérer toutes les trouvailles de l’écrivain ; de visualiser son imaginaire débordant) ; de l’autre, l’idée inconcevable d’une vision plus personnelle qui n’hésiterait pas à se réapproprier cet univers au risque de ce mettre à dos tous les fans considérants toute entorse au récit originel comme une véritable trahison. D’ou ces illustrations désespérément plan-plan des deux premiers opus cinématographiques (qui n’ont strictement aucun intérêt).
Côté scénario, ce troisième opus ne dépareille pas avec les deux précédents : même sagesse illustrative, même fidélité au livre malgré les inévitables simplifications du récit (coupé néanmoins au bon moment puisque le cinéaste nous fait grâce de ces interminables parties de « quidditch » qui m’ennuient tant dans les bouquins !) et même effets-spéciaux décoratifs.
Néanmoins, si ce film est de loin le meilleur de la série et se laisse regarder sans déplaisir (ça faisait longtemps, Mr Boulet !), c’est qu’Alfonso Cuaron est un cinéaste ayant plus de personnalité que l’insipide tâcheron Chris Colombus. Sa mise en scène fait montre de plus d’énergie et ne se laisse pas étouffer par les effets spéciaux. Dans les deux premiers, on avait le sentiment d’assister à une démonstration de nouvelles technologies et à un catalogue de trucages numériques. Ici, Cuaron tente d’utiliser la technique pour la mettre au profit d’un univers et non au détriment dudit univers. Parfois, il se plante et l’on baille devant une vilaine tante qui gonfle tel un ballon d’hélium ou devant la transformation d’un prof en loup-garou. C’est du gadget, du toc ! Par contre, ça marche lorsqu’il utilise l’appareillage technologique pour donner au château de Poudlard un aspect gothique et inquiétant. C’est dans le prisonnier d’Azkaban qu’apparaissent les terrifiants « Détraqueurs » qui aspirent l’âme de leurs victimes. Et bien lorsque Cuaron filme ces spectres volant autour du château, la vision nocturne égale en beauté certaines féeries noires de Tim Burton.
Côté acteurs, on constate que les adultes semblent bien s’amuser et on apprécie que de grands noms viennent jouer les « guest stars » : Garry Oldman en Sirius Black, David Thewlis (le « héros » de Naked de Mike Leigh) en professeur Lupin et Emma Thompson en une sorte d’Elisabeth Teissier totalement disjonctée. Par contre, on retrouve sans grand enthousiasme le fadasse Daniel Radcliffe dans le rôle d’Harry Potter et l’affreux petit singe roux qui joue le rôle de Ron (heureusement que le script sacrifie totalement ce personnage dans cet épisode) . Seule la gamine incarnant Hermione m’est assez sympathique.
Tout cela n’est pas désagréable : alors qu’il adapte le plus gros des trois premiers livres de la série, Cuaron réalise le film le plus court des trois. Preuve qu’il a réussi à éliminer les mauvaises graisses des deux premiers opus et à imprimer sa marque à cet épisode même si tout cela reste néanmoins assez formaté et qu’il me semble impossible qu’un chef-d’œuvre puisse naître d’une adaptation d’Harry Potter…