La colline a des yeux (2006) d’Alexandre Aja

 

J’ai déjà dit ici le bien que je pensais de ce grand film d’horreur des années 70 que fut La colline a des yeux. Vous savez également que je n’ai pas une grande passion pour cette mode actuelle du remake (voir la nouvelle version minable du Massacre à la tronçonneuse d’Hooper) mais celui-ci avait pour lui une petite réputation flatteuse qui est parvenu à titiller ma curiosité.

Qu’est devenu, sous la houlette d’Alexandre Junior Arcady, le chef-d’œuvre de Wes Craven ?

A vrai dire, pas grand-chose ! Dans un premier temps, Aja se montre relativement fidèle à l’œuvre originale et c’est ce qu’il y a de mieux dans le film : le cadre est parfois inspiré et le cinéaste parvient à faire naître la tension, comme au bon vieux temps, en montrant à nouveau une famille en rade dans un désert hostile, assiégée par de nouveaux barbares.

D’un autre côté, se pose la question de l’intérêt d’un tel remake si c’est pour faire exactement la même chose. Le film n’est pas désagréable pendant 45 minutes mais on peine à voir ce que le cinéaste apporte de plus au film originel.

Une fois les scènes d’exposition refaites (le père agressé dans la station-service, le chien éventré dans les collines…), ça se gâte plutôt. Pour deux raisons essentielles à mon avis.

La première, c’est toujours le problème de la mise en scène. Une fois de plus, nous sommes dans cette espèce de forme dominante d’un certain cinéma de genre américain : la photo est ripolinée et jaunâtre, le montage devient une sorte de bouillie indigeste à la moindre scène d’action et le cinéaste en rajoute dans la complaisance « gore ». Je n’ai rien contre le cinéma bien saignant (j’en ai suffisamment soupé pour ne pas jouer les pères moralisateurs !) mais je trouve que le « gore » actuel ne présente plus le moindre intérêt lorsqu’il est « numérisé ». Je vais rabâcher, mais une fois de plus, on ne croit pas à grand-chose dans la mesure où l’on peut constater que tout (action, scènes d’horreur…) a été « rattrapé » au montage et qu’il n’existe plus de « matérialité » des corps. C’est d’ailleurs, à mon avis, l’immense contresens du film puisque la colline a des yeux de Craven tirait un profit exemplaire de son côté presque « documentaire » et mal léché (dans le filmage). Il y avait alors un sentiment de proximité assez terrifiant entre le spectateur et cet univers où se profilait la sauvagerie.

Toujours dans le même ordre d’idée, et c’est à mon avis la deuxième raison de l’échec du film, les personnages chez Craven, malgré leur caractère dégénéré, restaient des « humains ». Ici, Aja insiste trop sur les causes de ce retour à la barbarie (des essais nucléaires : oh comme c’est original !) et filme ensuite des mutants, sorte de monstres de SF maquillés à coup de trucages numériques. Une fois de plus, le propos de Craven est vidé de sa substance puisque ici, le « monstre » redevient radicalement « autre » (comme dans 99% de la SF) alors qu’il était terriblement « humain » dans le premier opus où se déployait ainsi une satire violemment mordante de la cellule familiale américaine.

Nulle trace ici de l’extraordinaire Pluton, si ce n’est un monstre dégueulasse dont personne n’oserait imaginer qu’il puisse avoir été un homme. Même une bonne idée visuelle comme ce village peuplé de mannequins ne m’a pas semblé suffisamment exploité et tombe un peu à l’eau.

Pour retrouver la noirceur de La colline à des yeux, Aja joue à fond la carte de l’horreur alors que ce n’est pas là que se déroulaient les enjeux du film de Craven. Du coup, on a la sensation de voir un film non dépourvu de talent (à part ces scènes survitaminées montées n’importe comment et cet insupportable final grandiloquent, le film n’est pas mal tourné) mais qui laisse de marbre. Trop sérieux, il oublie le côté humour noir du film originel et passe finalement à côté de sa vraie noirceur, nichant au cœur même de la nature humaine alors qu’Aja la renvoie du côté de monstres finalement assez banals…

 

 

BREVES :

 

Depuis le temps que le Dr Orlof reste dans son laboratoire ou sa cave, il était temps que quelqu’un l’invite à sortir un peu. Ce sera chose faite grâce à Vincent qui l’a gentiment convié à un festival à Nice à la fin de ce mois ! Et il paraît qu’il devra parler ! Le trac et les insomnies le guettent déjà ! (Détails ici)

 

Que pensez-vous du cinéma français de ces 20 dernières années ? On s’en plaint beaucoup mais nul ne niera sa diversité : rendez-vous chez Ludovic pour une belle enquête qui délie les langues…

 

Presse. Je persiste à me réjouir de la naissance de Siné-Hebdo. Néanmoins, il me paraît impossible de passer sous silence cette intervention (ici), d’autant plus que je l’attendais depuis très longtemps, connaissant l’admiration que cet écrivain porte à son ami dessinateur.

 

Presse (bis). Une très bonne nouvelle : la naissance d’une nouvelle revue d’histoire du cinéma , Cinérotica, consacrée exclusivement à l’érotisme, sous la direction de l’excellent Christophe Bier. Je me demandais par quoi j’allais pouvoir remplacer mon abonnement aux Cahiers du cinéma : j’ai trouvé ! (d’autant plus qu’on retrouve parmi les membres de la rédaction l’indispensable Jean-Pierre Bouyxou). Tous dans les kiosques dès demain…

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