La belle et la bête
Meridian (1990) de Charles Band (Editions Artus)
J'ignore si la rubrique « Notules lunaires » qui ouvrait autrefois Mad movies existe encore dans ce journal que je n'ai pas acheté depuis 15 ans. Toujours est-il qu'autour de 16, 17 ans j'apprenais dans ces pages des noms de cinéastes bigrement attirants comme ceux de Fred Olen Ray, Donald Farmer (avez-vous l'ineffable Cannibal hookers ?), Jim Wynorski, David de Coteau, Tim Kincaid ou le mystérieux Steve J. Postal.
Parmi ces noms traînait aussi celui de Charles Band, producteur renommé pour avoir fondé la célèbre maison de production Empire (grande pourvoyeuse en nanars goûteux mais aussi en jolies réussites comme les premiers films de Stuart Gordon) puis la société Full Moon qui pourrait être une sorte d'équivalent américain (en un peu plus luxueux) de notre chère maison Eurociné !
Charles Band est également réalisateur. On en parlait il y a peu sur le site voisin et ami Matière focale et aujourd'hui sort, grâce aux bons soins de la maison d'édition Artus, son Meridian.
Avant d'aborder le film proprement dit, il faut sachiez que ce cinéma bis américain contemporain (voir les noms ci-dessus) repose sur deux piliers inébranlables : l'horreur (ou le fantastique) et l'érotisme soft (d'où le proverbial jeu de mot utilisé par les critiques qui parlaient alors de cinéma « gore nichons » !).
Passons très vite sur le deuxième aspect : mise à part une grande scène où les deux héroïnes du film dévoilent avec un professionnalisme qui force le respect leurs généreuses poitrines, Meridian s'avère très soft et ne provoquerait pas plus de panique dans un couvent que ces téléfilms américains qui passaient autrefois sur TF1 en deuxième partie de soirée le samedi soir !
Côté fantastique, Charles Band s'amuse ici à décliner une fois de plus le mythe de La belle et la bête. Une châtelaine italienne, dernière héritière de sa lignée, se trouve confrontée à un magicien et, surtout, à son frère jumeau sur qui plane une antique malédiction qui le fait se transformer en une bête monstrueuse lorsqu'il est amoureux.
Je vous laisse deviner la suite...
Evidemment, ce n'est pas Cocteau mais de la série B pas toujours délicate. Cependant, un certain professionnalisme dans la réalisation empêche de classer ce film du côté des nanars déviants. C'est d'ailleurs presque dommage car Charles Band ne nous réserve aucune de ces surprises ou de ces audaces qui émaillent le cinéma Z européens. Même dans ce cadre restreint du cinéma bis, tout semble un peu trop propre et policé (lors des scènes « érotiques », l'ombre menaçante du redoutable Adrian Lyne plane sur la mise en scène).
Si, malgré tout, le film n'est pas antipathique, c'est qu'il conserve un esprit « forain » plutôt réjouissant. Il s'ouvre sur une farandole de saltimbanques qui semblent entrer dans une sorte de grotte. Band filme ensuite un spectacle de prestidigitateurs et de magiciens assez foireux mais qui semble emballer le public. Et c'est là que Meridian s'avère presque touchant, dans cette croyance que les trucs les plus éculés vont, malgré tout, fonctionner. Le cinéaste peut alors filmer une créature pelucheuse assez splendouillette qui sent le figurant caché sous un costume fait à la va-vite : ce n'est pas grave, c'est de l'art forain et il suffit de croire aux procédés pour marcher à cette histoire d'amour entre un monstre et une jolie jeune femme.
Par ailleurs, Band utilise parfois assez joliment ses décors (naturels) pour créer une petite atmosphère. Ce n'est pas grand-chose et les amateurs de films plus troublants sur les rapports entre la beauté et la bestialité préfèreront revoir le beau film de Borowczyck La bête ; mais, le temps aidant, Meridian s'avère bien plus regardable que les grosses productions fantastiques actuelles où le cinéma a perdu son identité à coup d'effets numériques et de montage parkinsonien...
Bonus :
Les suppléments sont ici moins riches que pour les films Eurociné mais l'on constatera quand même l'effort éditorial. Outre les classiques bandes-annonces, galeries de photos et autres filmographies, on trouvera un court making-of qui sent l'autopromotion mais qui a le mérite d'offrir un regard sur les tournages du cinéma bis. C'est suffisamment rare pour être signalé !