Semaine Straub : part 2
Leçons d'histoire (1972) de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (Editions Montparnasse)
Il fallait bien que ça m'arrive un jour...
A force de jouer les zélateurs trop enjoué du couple Straub, de railler leurs détracteurs (que je persiste néanmoins à trouver bornés !) ; je devais bien marcher, à un moment ou un autre, sur une écharde. Cette écharde, ce sont ces Leçons d'histoire qui ont vaincu ma bonne volonté et ont mis en berne ma bienveillance naturelle à l'égard de ce cinéma « intransigeant ».
Je le confesse bien humblement, je dois cette fois m'incliner et passer mon tour : ce film n'est vraiment pas fait pour moi.
Adapté d'un roman inachevé de Bertolt Brecht les affaires de M. Jules César, le film se déroule dans la Rome contemporaine et suit les pas d'un jeune homme qui rencontre successivement quatre personnages de l'antiquité : un banquier, un ancien légionnaire, un homme de loi et un homme de lettres.
Autant vous prévenir tout de suite, sur les 84 minutes que dure le métrage, trente sont consacrées à de longs trajets en voiture. La caméra, fixée sur le siège arrière du véhicule, se contente d'enregistrer d'interminables déambulations dans les rues romaines observées depuis l'habitacle.
Faut-il y voir la quintessence d'un cinéma « radical » et « moderne » ? Peut-être. Toujours est-il que Lelouch a fait la même chose dans un court-métrage et dans certains passages d'un de ses films (j'ai déjà oublié lequel !) et, sincèrement, je ne vois pas pourquoi ça aurait plus d'intérêt chez les Straub.
Entre ces interludes en voiture, nous aurons droit à quatre dialogues (la plupart du temps, ce sont pratiquement des monologues), tirés du roman de Brecht et dont le critique de la Saison 76 prévient qu'il s'agit « des passages les moins familiers et les moins quotidiens » du livre. Diantre !
Même si ce ne sont pas mes films préférés du couple, je parvenais encore à « entrer » dans les dialogues de De la nuée à la résistance ou de Ces rencontres avec eux. Mais là, je suis resté totalement de marbre et à l'extérieur de ce qui se déroulait à l'écran. Est-ce le fait qu'une phrase sur deux n'est pas sous-titrée ? Est-ce dû à la fatigue (peut-être !) ? A mon inculture (sans doute !) ? A ma méconnaissance de l'histoire romaine (hélas !) ? Toujours est-il que le film m'est apparu comme un bloc totalement hermétique et sibyllin et que son propos m'est passé à trois milles lieues au-dessus de la tête.
Il y a néanmoins une séquence magnifique dans Leçons d'histoire, c'est la rencontre avec le paysan qui fut autrefois légionnaire. Pendant 10-15 minutes, nous retrouvons les Straub que nous aimons : le cadre est magnifique (alors qu'il m'a paru plutôt banal par ailleurs), le « montage couperet » qu'ils affectionnent fait merveille et ils effectuent un travail remarquable sur le son (avec le bruit de ce petit torrent qui passe à proximité des personnages).
Un petit quart d'heure de grand cinéma où nous retrouvons la confrontation homme/nature et la manière si particulière qu'ont les cinéastes de donner corps à une matière littéraire.
Du coup, même les paroles échangées semblent plus claires et offrent quelques pistes de réflexion (sur le développement de l'impérialisme et sa persistance à l'époque contemporaine...)
Mis à part ce beau passage, je dois reconnaître que ces Leçons d'histoire m'ont plutôt fait l'effet d'un rude pensum...