Une nuit à L.A.
Collateral (2004) de Michael Mann avec Tom Cruise, Jamie Foxx
Commençons par vous confesser une chose surprenante : je n’avais jusqu’à présent vu aucun film de Michael Mann, nouvelle coqueluche de la critique parisienne. Puisqu’il faut bien commencer par un bout, commençons par la fin puisque Collateral est, sauf erreur, son dernier film en date. Et disons le d’emblée, je suis assez surpris de cet engouement suspect (Jacques Morice dans Télérama le considère comme le meilleur cinéaste américain du moment !!) . Tout en reconnaissant un certain brio au réalisateur, je ne trouve pas le film aussi passionnant qu’on a bien voulu l’écrire et sa réputation me semble un brin usurpé. Mais n’anticipons pas.
Vincent (Tom Cruise) est un tueur à gages qui doit, le temps d’une nuit, exécuter cinq individus qu’il ne connaît ni d’Eve, ni d’Adam pour des patrons qu’il n’a jamais vus. Pour l’accompagner dans cette besogne, il jette son dévolu sur Max, un honnête chauffeur de taxi (c’est suffisamment rare pour être signalé !) qui devra désormais, sous la menace, le mener sur chacun des lieux de son forfait.
Le film se réduit donc à une longue (trop longue !) balade criminelle à travers les rues de Los Angeles. En confrontant deux individus solitaires dont les destins se trouvent fortuitement mêlés, Mann arrive (je le reconnais) à créer une certaine atmosphère pas désagréable. Il oppose un homme qui passe son existence à attendre que son rêve advienne (Max) et celui qui a décidé de prendre les choses en main et de passer à l’action sans scrupules moraux (Vincent). Cette opposition permet au cinéaste d’offrir aux spectateurs quelques notations assez justes sur la place de l’individu au cœur de la grande ville. Et tout ce qui touche à l’anonymat dans les grandes métropoles est assez bien vu (un homme mort peut se balader pendant six heures dans le métro sans que personne ne le remarque).
De même, lorsque Vincent est chargé de se débarrasser d’une personne chère au cœur de Max, le film devient alors plus nerveux et s’améliore un peu. Mais après ?
D’après moi, Collateral est un brillant exercice de style qui ne pisse pas très loin. Morice qualifie Mann de « grand urbaniste du cinéma contemporain ». Mhouais ! je trouve que sa manière de filmer la ville n’a rien d’extraordinaire et qu’il n’habite pas vraiment l’espace (jamais on ne sent l’importance d’un lieu par rapport à un autre). Sa vision de la métropole se limite à des effets esthétiques un peu chichiteux (plans d’ensemble en plongées verticales, rues vues derrières les vitres du taxi…) et renvoie plutôt à l’esthétique des années 80. Pour le dire vite et un peu méchamment , avec ses lumières bleutées, ses images filtrées et sa soupe pop comme bande-originale ; Mann me paraît plus proche d’un Beineix que de Melville.
Autre problème du film : la vraisemblance. Entendons-nous bien : le « réalisme » d’un récit n’est en aucun cas un gage de sa réussite. Mais même s’il est hautement improbable (le hold-up de la banque dans Inside man par exemple), il me semble que la mise en scène doit jouer le jeu d’une certaine crédibilité (ce que réussit fort bien Spike Lee) pour rester incarnée.
Dans Collateral, on a l’impression que L.A est une ville désertée (Vincent commet ses crimes en toute impunité) et que personne ne s’intéresse au sicaire. A cet égard, la scène où il bute un type dans une boîte de nuit est symptomatique. La séquence est totalement ridicule : pas bien filmée, chichiteuse à souhait (la techno, les lumières) et invraisemblable (soit les gens continuent de danser malgré les coups de feu, soit tout le monde court et les balles ne touchent personne sans compter que les tueurs entrent et sortent sans le moindre accroc !)
Voilà le problème de Mann : privilégier le « visuel » (d’ailleurs un peu ringard si on le compare à la manière dont un Wong Kar-Waï filme la ville) au détriment d’une véritable mise en scène s’attachant aux personnages. Parfois, on succombe à l’ambiance (la scène dans la boite de jazz) mais on finit par décrocher et ne plus s’intéresser à cette histoire.
Les acteurs ne sont pas en cause, bien que je préfère largement Jamie Foxx, très convainquant dans le rôle du chauffeur de taxi au nabot Tom Cruise qui s’est composé un masque de tueur à gages monolithique (cheveux gris, lunettes de soleil) qui lui sied moyennement.
Pas désagréable, je le répète, mais ça ne m’intéresse pas beaucoup…