Black book (2006) de Paul Verhoeven avec Carice Van Houtten, Sebastian Koch



Si je vous dis "un film d'époque, tiré d'une histoire vraie et affichant une mise en scène prétendument  classique », vous allez dire que je remets le couvert sur le dernier Clint Eastwood. Or c'est du dernier opus en date de Verhoeven dont il va s'agir. Et pour le coup, je risque d'être encore plus mal élevé car je considère ce cinéaste comme l'un des plus surestimés de tous les temps ! Autant Eastwood me semble, quoiqu'on puisse penser de certaines de ses œuvres, un vrai cinéaste ; autant Verhoeven représente pour moi le tâcheron épais et vulgaire dont l'unique « talent » se résume à un sens (très mesuré) de la provocation tape-à-l'œil. Pour un croisement de jambes savamment calculé, on a fait de l'horriblement ronronnant Basic instinct le thriller du siècle (alors que c'est un sommet de médiocrité) et je ne parle même pas de ces gens qui s'esbaudissent soudain devant le nullissime Showgirls ou l'extrêmement douteux Starship troopers.

Même ses premiers films bataves (Turkish delices ou Le quatrième homme) me paraissent frappés du même sceau de lourdeur et de provoc épate-bourgeois.


En découvrant ce Black book, qui fut plutôt très soutenu par la presse, je me disais que la critique avait bien changé en quelques années. Je présume qu'il y a trente ans, on aurait pris ce film pour ce qu'il est : un avatar pas très inspiré du Portier de nuit de Cavani puisque notre héroïne est une résistante juive qui s'éprend d'un officier de la gestapo qu'elle entend « utiliser » à des fins d'espionnage...

Dans une époque plus « politisée » (jusqu'à la caricature, sans doute), le film aurait prêté le flanc à toutes les attaques d'ordre idéologique. Nous essaierons de ne pas nous laisser tenter et constaterons simplement avec un peu d'étonnement que le film entend nous faire davantage pleurer sur la mort d'un officier nazi que sur les victimes (résistants, juifs...) de la guerre et qu'il nous montre des exactions à la Libération qui paraissent presque pires que celles commises par les nazis. Je suis tout à fait prêt à entendre que des horreurs ont été commises au moment de la victoire des alliés (j'en suis d'ailleurs persuadé) mais tout est affaire de proportion et lorsqu'un film entend mettre les deux dans la balance, il est légitime de s'interroger sur la question essentielle du point de vue du cinéaste.

Mais passons... Je ne tiens pas à faire de faux procès à Verhoeven qui est sans doute plus roublard et épais que véritablement malfaisant. D'ailleurs, au moment où il montre complaisamment des femmes se faire tondre, les images d'actes similaires filmés par Gérard Blain dans le magnifique Un enfant dans la foule me sont revenues à l'esprit. Or si on n'a pas une once de cette intensité, de cette force émotionnelle qui irriguait le film de Blain dans Black book, c'est que Verhoeven filme, justement, sans point de vue. Le problème est donc moins d'ordre idéologique qu'esthétique.


Que reste-t-il dans Black book ? Une histoire (vraie, mais on s'en tape !) que le cinéaste illustre sans génie (le film est d'un académisme total, dans la lignée de la mode « rétro » du film de Cavani déjà cité) et qu'il « dope » aux effets « chocs ». Lorsque l'héroïne se teint la toison pubienne, vomit en découvrant l'assassin de sa famille ou se fait renverser un seau de merde sur le corps par des « libérateurs » avinés ; Verhoeven affiche toujours sa volonté de tout montrer. Au-delà de ces quelques scènes « limites » (qui restent relativement supportables), c'est toute l'esthétique de la mise en scène qui semble contaminée par ce volontarisme pataud, cette idée que la caméra doit absolument tout souligner et afficher clairement.

La provocation devient vulgaire (c'est le mot qui définit selon moi le mieux le cinéma de Verhoeven) et cette vulgarité se ressent également dans la manière de caractériser les personnages qui portent tares et qualités sur leurs visages et leurs corps (l'officier dont l'héroïne tombe amoureuse est forcément beau et mesuré tandis que son odieux collègue est gras et suintant : le cinéaste n'hésitant d'ailleurs pas à le montrer dans toute sa répugnante nudité !).  Ce n'est qu'un exemple parmi cent de ce trait gras et appuyé qui caractérise l'ensemble de Black book.

Occupé à illustrer son scénario, Verhoeven se montre incapable d'offrir un réel point de vue à son récit (revois Lili Marleen, Paul !) et se contente d'un décorum rétro qui ne vaut guère mieux que celui de Train spécial pour Hitler d'Alain Payet (et je dis ça sans plaisanter puisque le moment où une femme se fait déshabiller et arroser de champagne se retrouve dans les deux films !).

Je pense qu'il y aura certainement des avocats de Verhoeven qui passeront par là mais pour moi, ce film ne présente pas le moindre intérêt...

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