Escrocs mais pas trop
Quatre étoiles (2006) de Christian Vincent avec Isabelle Carré, José Garcia, François Cluzet, Luis Régo
Retour dans les salles obscures et stupéfaction d’apprendre qu’allait sortir mercredi un nouveau film de… Jean-François Davy ! Que l’auteur de Bananes mécaniques, des trois Exhibition et de Prenez la queue comme tout le monde sorte un film se présentant, au vue de la bande annonce, comme un mixte des choristes et de Scout toujours, voilà qui est assez satisfaisant pour l’esprit ! Mais ne nous égarons pas et revenons à Christian Vincent.
Drôle de zigue que ce cinéaste là. Estampillé « auteur » après avoir connu un beau succès surprise avec son premier film (le très agréable la discrète) , Vincent n’a cessé de brouiller les pistes et de flirter avec ce « ventre mou » du cinéma français dont j’ai parlé plusieurs fois tout en réussissant à y échapper. Car que ce soit dans le « blockbuster » psychologique (La séparation avec Auteuil et Huppert) ou la comédie de caractères (Je ne vois pas ce qu’on me trouve avec Berroyer), le cinéaste arrive toujours à capter notre attention et à éviter l’académisme ballot ou l’insignifiance. Ce n’est sans doute pas un grand artiste mais un bon artisan qui sait se renouveler.
Quatre étoiles est une comédie somme toute assez classique mais qui s’avère finalement assez originale dans le paysage dévasté du genre dans son acception hexagonale. Première piste : l’héroïne s’appelle France mais veut qu’on l’appelle Franssou car ça fait moins patriotard. Vincent prend la même tangente : lorgner du côté de l’Amérique plutôt que vers gros comique à la française qui tache. Franssou (Isabelle Carré) vient donc de toucher un héritage inattendu (50.000 euros) . Plutôt que de placer cet argent, elle décide de s’accorder du bon temps et file en villégiature dans les luxueux palaces de Cannes. C’est là qu’elle fait la connaissance de Stéphane (José Garcia), petit escroc exubérant qui se fait passer pour le manager d’Elton John, qui tente d’arnaquer un ancien pilote automobile (François Cluzet) en lui refourguant une villa qui ne lui appartient pas et qui croule sous les dettes de jeu. Par nécessité pécuniaire, notre couple va donc se trouver uni et les dettes de cœur vont succéder aux dettes d’argent. Je ne vous en dirai pas plus car le plaisir que procure ce film tient aussi à la construction habile du récit et à la manière dont se dénouent les situations.
Je le répète, le canevas du scénario est plutôt classique (c’est la traditionnelle comédie de remariage à l’américaine) mais c’est foutrement agréable de voir une comédie qui ne soit pas une succession bâclée de sketches télévisuels. Un film dont l’horizon dépasse celui d’une diffusion sur petit écran et qui ait autre chose dans la caboche que la pub, la jet-set ou les boites de nuit. Un film élégant, en quelque sorte. Et même si la mise en scène de Christian Vincent n’a rien de transcendant et qu’on n’atteint pas le niveau des grandes comédies de Cukor ou du Haute pègre de Lubitsch ; le fait qu’on y pense quand même un peu est déjà bon signe.
Car même si le rythme est allegro et qu’un certain soin est accordé à la photo, la réussite de Quatre étoiles tient avant tout à son scénario (assez brillant) et à ses comédiens (vraiment épatants).
François Cluzet, dans le rôle de ce pilote bas du front mais transi amoureux devant la belle Franssou, est tordant et chacune de ses apparitions est un régal. José Garcia est dans un registre qui lui sied à merveille : l’exubérant qui peut se révéler aussi bien charmeur que minable. Il est parfait de bout en bout et a vraiment l’étoffe des grands comédiens américains qui jouent dans le même registre (George Clooney, et ce n’est pas une blague !). Quand à Isabelle Carré… (soupirs !). Je vous ai déjà dis ma passion pour cette actrice exceptionnelle et elle est une fois de plus irrésistible. La délicieuse petite blonde à l’allure étudiante angélique que Christian Vincent avait révélé dans Beau-fixe est devenue une caméléon aussi crédible en modeste prof parisienne qu’en vamp des hôtels cannois. Pétillante à souhait, elle irradie le film de son sourire enjôleur et de sa grâce mutine. L’énergie de ces trois acteurs (auxquels il faut rajouter les participations savoureuses de Michel Vuillermoz en petit-ami parisien gai comme un bonnet de nuit céfdétiste et Luis Régo en petit malfrat inquiétant) déteint sur le film et lui donne tout son cachet.