Moulin rouge ! (2001) de Baz Luhrmann avec Nicole Kidman, Ewan McGregor



A priori, Moulin rouge ! est l'exemple parfait du film que j'aurai dû détester. D'abord parce que le réalisateur Baz Luhrmann, dont je n'aime pas les autres films (je n'ai pas vu son récent pudding Australia) passe un de mes genres préférés (la comédie musicale) à la moulinette d'un montage épileptique et survolté. Ensuite, parce qu'il procède à un mélange musical hautement improbable et qui n'a rien de ragoûtant au premier abord : si j'apprécie plus ou moins Nirvana, The Police (Roxaaaaaanne !!) ou Queen, je dois dire que je n'ai vraiment aucun goût pour Madonna, Elton John ou la techno mongoloïde qui fait parfois office de bande-son !

Au final, Moulin rouge ! est pourtant un film qui me touche et que j'ai revu sans le moindre déplaisir (eh ! eh ! ça faisait longtemps).

Essayons de décortiquer les raisons de cette curieuse appétence pour le film de Luhrmann.


D'abord, ce n'est pas un film « monolithique ». Je m'explique : je n'ai pas vu des films comme Hunger ou 4 mois, trois semaines et deux jours mais je suis certain de savoir à quoi m'en tenir au bout d'un quart d'heure. Je ne dis pas par avance accepter ou rejeter les systèmes formels mis en place par les cinéastes mais je suis persuadé qu'une fois lancé sur leurs rails, les films ne dévient plus d'un iota.

Or Moulin rouge ! ne cesse de bifurquer, de changer en route d'aiguillage. Le début est tonitruant : pas un plan ne dure plus de deux secondes et le Paris des premiers jours du 20ème siècle est revisité au son de musiques contemporaines (tube des années 80, ambiance techno...). On se dit que cette bouillie visuelle et musicale va vite nous fatiguer et voilà que le cinéaste appuie sur la pédale de frein, se concentre sur le destin des deux acteurs principaux de l'intrigue (l'écrivain bohème- McGregor- et la belle courtisane Satine, alias Nicole Kidman). Les chansons d'amour sont un brin sirupeuses mais qu'importe : c'est la loi du genre et l'on sent une véritable croyance dans le regard du cinéaste.


Le film reprend ensuite un rythme endiablé où se succèdent des hommages aux classiques d'Hollywood (des références à Un américain à Paris aussi bien qu'aux Hommes préfèrent les blondes lorsque Kidman entonne le fameux Diamonds are girl's best friend) mixé à des tubes des années 80 réinterprétés de manière ironique (Like a virgin) ou dramatique (Roxanne, Show must go on).

Avec ce film, Baz Luhrmann fait moins œuvre de « metteur en scène » que de « mixeur », capable d'enrober toutes les influences dans un patchwork improbable mais qui passe à l'énergie.  

Cependant, le cinéaste a le bon goût de ne pas seulement se draper des oripeaux du clinquant « moderniste » actuel et, en ce sens, Moulin rouge ! n'a rien à voir avec l'incroyablement surestimé Chicago. Certes, dans les deux cas, la magie des chorégraphies autrefois millimétrées disparaît sous l'éclatement du plan mais Luhrmann cherche visiblement autre chose qu'à « doper » artificiellement le rythme de son film.

Il y a, par exemple, une croyance dans les personnages qui force le respect. Plus qu'une « comédie musicale », le film est avant tout un très beau mélodrame qui finit, pour peu qu'on accepte les partis pris de mise en scène, par devenir très poignant. Notamment parce qu'il est interprété par deux excellents comédiens. Ewan McGregor n'a jamais été aussi bon que là et Nicole Kidman est absolument magnifique, mélange incroyable de beauté, d'énergie, de sensualité et de fragilité. 

Baz Luhrmann redonne un sens au mot « croyance ». En revoyant Moulin rouge !, j'ai pensé à la fameuse scène de la femme d'à côté où Fanny Ardant évoque les mots des chansons d'amour, leur côté puéril et pourtant si vrai. C'est un peu ce sentiment qu'on éprouve face à ce film : sans aimer forcément les titres choisis par le cinéaste, les sentiments qu'ils expriment nous vont droit au cœur malgré (à cause de?) leur naïveté, leur sentimentalisme exacerbé et larmoyant. Mais encore faut-il y croire !

Personnellement, même s'il m'est arrivé de pester à certains moments (« là c'est trop ! », « Oh quelle laideur kitsch ! »), je trouve que le cinéaste ose tout, fonce tête baissée et finit par nous emporter dans son tourbillon d'énergie et d'émotions...


PS : Rien à voir mais il est toujours agréable d'avoir des nouvelles de l'ami Jean-Jacques Rousseau (avec le témoignage de Bouyxou : yeah!)

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