Hardcore (1979) de Paul Schrader avec George C.Scott

 

 

Mes notes les plus controversées ces derniers temps sont celles où je me permets de rudoyer un tantinet certains cinéastes américains plus ou moins bien côtés. Persévérons dans cette voie pour régler le compte de Paul Schrader comme nous l’avons fait pour Spielberg, Michael Mann et William Friedkin. Tâche assez gratifiante à une époque où la critique snobinarde se pâme devant le moindre navet yankee réalisé par un obscur tâcheron venu de la télé et produit par un nabot scientologue (« c’est une stââr, ma chérie ! ») , se branlotte devant la nouvelle star (on a les rebelles qu’on peut !) et incendie de manière  totalement injuste une agréable petite comédie (parce que française, sans doute, et pas assez branchouille). Pardonnez-moi si je suis un peu obscur mais je n’ai toujours pas décoléré depuis la dernière émission du Masque et la plume où le critique des Inrocks s’en est violemment pris à Quatre étoiles. Qu’il n’aime pas le film, c’est son droit le plus strict (je ne suis pas non plus un fervent admirateur criant au génie. C’est un divertissement agréable qui se laisse voir, c’est déjà pas mal !) Mais qu’après s’être ébaudi devant Tom Cruise, ce nain répugnant ; il s’acharne de manière presque insultante sur Isabelle Carré (crime impardonnable !) et la qualifie de « nulle » dit assez bien dans quel état se porte une critique avilie aux modes les plus grotesques. Enfin ! il y aurait beaucoup de choses à dire mais cela nous éloigne de Schrader.

 

 

Commençons par nuancer l’aspect guerrier que prend le début de cette note : je n’ai rien contre cet homme qui fut d’abord un scénariste très talentueux pour, entre autres, De Palma (Obsession) et Scorsese (Taxi driver, Raging Bull, ses meilleurs films…) . En tant que cinéaste, il ne m’a pas convaincu avec Mishima, ni avec son remake de La féline (il faut dire que j’aime tellement le film de Tourneur qu’une nouvelle version me semble une hérésie) . Par contre, j’avais été très intéressé par Blue Collar (son premier film consacré à la classe ouvrière américaine et aux syndicats) et surtout par le très beau Affliction (un de ses derniers opus).

Pas d’enthousiasme immodéré ni de rejets a-priori pour découvrir Hardcore qui s’avère être, autant le dire tout de suite, son plus mauvais film. 

 

 

Calviniste (oui, j’ai choisi mon titre uniquement pour le jeu de mots !) puritain, Jake (George C.Scott) voit sa vie basculer lorsque sa fille disparaît lors d’un voyage organisé à Hollywood. Il engage un privé qui retrouve les traces de la petite devenue actrice dans un film porno amateur. Effondré, l’honorable père de famille va lui-même arpenter les bas-fonds de L.A. pour retrouver son enfant perdu…

 

 

Les amateurs de Scorsese retrouveront sans problème le schéma traditionnel de ses œuvres (notamment celles scénarisées par Schrader) : chemin de croix, déchéance et rédemption. Hardcore est d’une certaine manière une version étirée de l’épisode de la petite prostituée (Jodie Foster) que sauve Travis (De Niro) à la fin de Taxi driver. Pourquoi pas ? encore faudrait-il un discours qui dépasse un peu les clichés les plus éculés (le monde du sexe comme le dernier des cercles de l’enfer de Dante !) et une mise en scène un brin plus inspirée. Car si Schrader a le mérite de ne pas sombrer dans le sensationnalisme racoleur comme l’abject Schumacher dans 8 mm, il n’en reste pas moins que son film est totalement plat et sa vision des bas-fonds ne relève que du pur folklore (avec cet amalgame plus que douteux entre la pornographie et le « snuff movie »1).

 

 

Hardcore est à l’image de son personnage principal incarné de manière fort convaincante par un Scott monolithique (il a parfois des mimiques à la Sarkozy ! Vous savez, cette allure de parpaillot qui a avalé du ciment), un film puritain, hypocrite et faux-cul. Il s’agit d’un côté de jeter un regard écœuré sur le monde du sexe (d’ailleurs globalisé dans un tout suspect : pourquoi n’avoir pas fait, par exemple, la distinction entre une sexualité joyeuse, débridée et libertaire et cette réification libérale du sexe considéré dès lors comme produit de consommation et, dans ce cas j’en conviens, activité commerciale peu reluisante ?) , de jouer les redresseurs de torts (tirer la jeunesse innocente tombée entre les griffes des Vilains) tout en se délectant des infamies montrées.

 

 

C’est exactement le même problème qu’avec Cruising de Friedkin (on y revient !) : jamais on ne sent le héros prit par le vertige du monde qu’il découvre ; juste du dégoût (jamais on ne pense que Jake pourra se taper une pute ou prendre du plaisir à regarder un film porno). Comme Friedkin, Schrader filme ce monde avec le regard du justicier et n’y voit rien d’autre qu’une abominable et étanche altérité. En plus, il y a chez Schrader ce côté religieux geignard qui s’avère ici insupportable car il n’y a finalement qu’un discours qui se passerait volontiers de cinéma.

 

 

Que Schrader fasse des conférences dans les églises réformées sur les dangers du sexe, grand bien lui fasse ! mais qu’il ne vienne pas nous emmerder avec sa morale hypocrite et coincée du cul ! 

 

 

 



1  Rappelons qu’en 1975, deux lascars du cinéma bis, Roberta et Michael Finlay, tournèrent un film d’horreur intitulé Snuff (ce film hantait les vidéos club à la fin des années 80 mais je n’ai jamais osé l’emprunter). La rumeur courut que l’actrice du film avait été réellement torturée et mise à mort devant les caméras. Il n’en était évidemment rien mais une légende était née : on prétendit alors que la mafia produisait des « snuff movies » à la chaîne où de jeunes gens étaient véritablement assassinés devant l’œil de la caméra. L’existence de telles bandes n’a jusqu’à présent jamais été prouvée…

 

 

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