Les objets gentils
Bienvenue chez les Ch'tis (2007) de et avec Dany Boon et Kad Merad, Zoé Félix, Stéphane Freiss, Michel Galabru
Quoi de mieux pour donner un petit coup de sang à ce blog moribond que de revenir à la charge avec ce film dont le phénoménal succès continue de me laisser pour le moins perplexe ? Par un heureux ( ?) hasard, il se trouve que je bénéficie ( ?) pendant une semaine de toutes les chaînes Canal +. Je n'allais donc pas manquer l'occasion de me faire de nouveaux ennemis en tapant sur cette molle idole médiatique qu'est devenue Dany Boon !
Comment évoquer le plus justement possible le phénomène ? Car bien entendu, il ne s'agit que de ça : d'une curiosité sociologique (pourquoi ce machin plaît tant au « public » à un moment donné) et non pas d'un film tant sa facture anonyme et l'inexistence de la mise en scène sont flagrants.
Qu'est-ce qui a pu tant plaire aux français lorsqu'ils sont allés voir les mésaventures de ce directeur d'agence de la poste muté dans le Nord alors qu'il espérait, bien évidemment, la Côte d'Azur ? Car pour ma part, et pour être honnête, je n'ai pas ri une seule fois devant cette succession de vignettes paresseuses et de gags inexistants. Disons, pour ne pas être trop méchant, que j'ai vaguement souri deux ou trois fois (je dois sans doute être quelqu'un de très austère mais je ne m'en rends même plus compte !) et que j'ai trouvé l'ensemble totalement convenu.
Sur quels ressorts comiques reposent Bienvenue chez les Ch'tis ? Primo, le langage et l'accent si folklorique des « chtimis ». Pourquoi pas ? Mais lorsque Dany Boon fait répéter pour la cinquantième fois « biloute » ou « hein ? » à ses personnages, c'est peu dire qu'on se lasse. A la limite, le contraste langage médiéval/ langage contemporain fonctionnait beaucoup mieux dans Les visiteurs.
Deusio, le choc des cultures. Kad Merad débarque dans un environnement qu'il ne connaît pas et il découvre la gastronomie locale (le fromage qui pue et les alcools forts, gags tellement éventés qu'on en regrette presque Les bronzés font du ski) et les mœurs indigènes (Bachelet au stade, les baraques à frites...)
Tertio, rien ! Mis à part les contrastes culturels, le spectateur n'a rien à se mettre sous la dent. Comme les acteurs ne sont pas très bons (je trouve à Kad Merad le magnétisme d'un hareng saur et je ne peux pas supporter Dany Boon acteur. Rien n'égale sa fadeur et sa niaiserie si ce n'est un discours pro élections européennes d'un quelconque « politoquard » épris de « citoyenneté » !), on s'ennuie assez rapidement devant ce programme prévisible et archi-convenu.
Mais on comprend également ce qui a pu séduire des millions de spectateurs (ceci dit sans mépris). Car ce qui frappe dans Bienvenue chez les Ch'tis, c'est son effarant unanimisme. Cet imbécile de Besson disait des films qu'ils étaient des « objets gentils » et, effectivement, on voit mal comment on peut faire plus « gentil » que l'objet de Dany Boon à côté duquel Amélie Poulain ressemble à du marquis de Sade. Tous les gens du Nord sont « gentils » et accueillants, bon vivants et plein d'humour. Même la vieille mère acariâtre (interprétée par l'abominable Line Renaud) ou le DRH stressé révèlent finalement des trésors d'humanité (alors que la « profession » de DRH doit être celle qui comporte, en pourcentage, le plus grand nombre d'ordures malveillantes). Tout est apaisé ici : les flics sont compatissants pour les pauvres fonctionnaires mutés dans le Nord ou pour les sympathiques poivrots, les patrons aident leurs employés et vice-versa (ils se tutoient, d'ailleurs). Bruno Dumont ? Connaît pas ! La lutte des classes ? Dépassée mon pauvre monsieur. Le chômage, la misère ? Bah, parlons de ce qui intéresse les gens : les considérations météorologiques (finalement, il fait parfois froid dans le Nord mais les gens ont le cœur chaud), les traditions du terroir et les services de proximité.
Ce que filme Dany Boon, c'est une France fantasmée, revue et corrigée façon Pernaut. On va me dire que nous ne sommes pas dans un cadre « réaliste » mais dans celui de la comédie. Il n'empêche que cette vision aseptisée, lavée de tout « négatif » est finalement assez effrayante (non, je n'exagère pas !). Ne parlons pas de la guimauve sentimentale dégoulinante que nous offre Dany Boon en guise de conclusion : c'est absolument grotesque !
D'une certaine manière, la banderole des supporters du PSG qui a fait s'étrangler de rage le chœur des bien-pensants m'a plus fait rire que l'œuvre complète de Dany Boon ! Dans sa bêtise même, elle révélait enfin cette part de négatif qui fait tant défaut au film (les querelles archaïques de clochers, l'imbécillité foncière de ceux qui sont « nés quelque part » comme le chantait Brassens...).
C'est bien la première fois que des supporters (qui plus est du PSG !) m'ont fait rire...
PS : J'espère que mon ami Ed notera que, moi aussi, je peux parler de foot !