After life (1998) de Hirokazu Kore-Eda



Internet est vraiment un univers merveilleux! Oh non ! Pas d'inquiétudes, je ne suis pas un naïf : je sais parfaitement que la toile est un repère de brigands, de rapaces, de pervers en tout genre, de marchands véreux et d'imbéciles. Mais à l'inverse, Internet m'a également permis de dialoguer avec des gens charmants et passionnés, d'être invité à un très agréable festival et même...de recevoir quelques paquets. Il est donc grand temps de remercier mon  adorable correspondante (à qui je demanderais volontiers de m'épouser si je ne craignais de la mettre mal à l'aise) qui m'a gentiment envoyé deux films du cinéaste Hirokazu Kore-Eda.

Même si Still walking me tentait énormément, je dois avouer, le rouge au front, que je n'avais jusqu'à présent vu aucun film de ce cinéaste nippon, auteur également d'un assez renommé Nobody knows.

After life commence dans une grande demeure où de mystérieux employés font passer des espèces d'entretiens. Très vite, on réalise que ces « conseillers » s'occupent de personnes fraîchement décédées. Alors que dans Les choses de la vie, l'accident de voiture amenait le personnage à se remémorer tous les principaux épisodes de sa vie, il s'agit ici pour les défunts de choisir leurs meilleurs souvenirs. Une fois sélectionnés, ces souvenirs seront filmés par les envoyés « célestes »...

Alors que le postulat du film pourrait laisser présager une fable fantastique et/ou métaphysique, le cinéaste prend un malin plaisir à rendre son récit le plus « réaliste » possible et à lui donner une dimension quasi « documentaire ». En effet, Kore-Eda a auditionné près de 500 anonymes en leur demandant de raconter leurs plus beaux souvenirs pour ensuite intégrer ces témoignages dans sa fiction.

Le dispositif scénique rappelle parfois celui de l'interrogatoire d'Antoine Doinel dans les 400 coups : caméra fixe et jump-cut de rigueur. Et c'est sans doute dans ce perpétuel va-et-vient entre le « documentaire » et la « fiction » qu'After life séduit le plus.

D'une part, l'aspect « documentaire » permet à Kore-Eda de gommer l'artifice de son postulat de départ pour approcher une certaine réalité humaine. Sans tendre à la psychologie ou à la sociologie, les souvenirs évoqués par les personnages (premières rencontres, premier vol en avion, souvenirs de guerre...) permettent de dessiner un tableau impressionniste aussi délicat que profond, touchant et sans aucune lourdeur.

A vrai dire, j'ai vu ce film très fatigué (je dors très mal en ce moment mais vous vous en fichez et vous n'avez pas tort !) et j'avoue que le caractère un brin évanescent des anecdotes relatées dans le récit m'a amené à laisser vagabonder mon esprit et à parfois perdre un peu le fil. Mais je ne doute pas que je reverrai un jour ce film pour en saisir mieux toutes les nuances.

D'autre part, le mélange entre le côté « documentaire » et des plans très travaillés (j'allais dire, si on me pardonne le cliché, à la japonaise avec ce que cela suppose de recherche dans la composition et les cadres dans le cadre) fonctionne plutôt très bien ; le cadre de la « fiction » permettant d'échapper au simple panel sociologique et de décoller de la platitude « naturaliste ».

After life se termine d'ailleurs par une véritable mise en abyme de ce que peut être le cinéma. Le cinéma n'est-il pas, au bout du compte, qu'un des seuls moyens de sauver de l'oubli quelques traces d'une vie, de quelques souvenirs heureux ? Mais que saisit-il vraiment ? Comment choisir son « plus beau souvenir » (question de montage) et l'oubli n'est-il pas parfois préférable (je ne dévoilerai pas les réminiscences qui viennent à l'esprit d'un des « employés » du film) ?

Sans didactisme, le film affleure ces questions là et pose le parallèle entre nos existences  quotidiennes et un récit cinématographique. Sans esbroufe, Kore-Eda nous parle de nos existences, de ces petits riens qui font le prix d'une vie malgré les regrets et les (nombreuses) déceptions. Son film ne paie pas de mine mais il témoigne incontestablement d'une certaine « patte » et donne envie de découvrir ses autres œuvres ...

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