Takeshi dans la colle
Takeshis’ (2006) de et avec Takeshi Kitano
Cette fois, c’est officiel : j’ai la douleur de vous annoncer que mon ordinateur a définitivement passé l’arme à gauche. Situation plus que perturbée sur mon blog que j’essaierai néanmoins de mettre à jour régulièrement. Que mes fidèles lecteurs ne me chassent pas de leurs favoris et que mes détracteurs ne se réjouissent pas trop vite : je vais racheter un PC le plus rapidement possible mais impossible de vous dire quand…
Je ne vous parlerai donc pas de deux excellentes comédies américaines que j’ai découvertes cette semaine, que ce soit l’acide Rushmore de Wes Anderson (en passe de devenir LE cinéaste indépendant des années 2000, un peu l’équivalent de ce que fut notre cher Hal Hartley pour les années 90) ou le grinçant Deux en un des frères Farrelly. Dommage, car ce sont deux films réussis.
Nous nous contenterons pour ce week-end de deux nouveautés sorties récemment sur les écrans.
Si mon ordinateur est à bout de souffle, il n’est malheureusement pas le seul et ce n’est pas de gaieté de cœur que je vais dire du mal aujourd’hui d’un de mes cinéastes contemporains préférés : Takeshi Kitano. On sait qu’il y a deux Kitano : le cinéaste reconnu dans le monde entier et célébré dans tous les festivals et l’acteur comique ultra-populaire faisant le pitre à la télévision japonaise. Ce dernier aspect de sa personnalité nous est très mal connu même si nous avons pu le découvrir le temps d’un long métrage particulièrement raté : Getting any ?
Dans Takeshis’ , le cinéaste tente de mettre en scène cette dualité en incarnant lui même deux rôles. D’un côté, la star adulée, spécialiste des films de yakusa ultra-violents ; de l’autre, un modeste caissier rêvant de devenir acteur en s’appuyant sur sa ressemblance frappante avec Takeshi. A partir de ces deux personnages (qui n’en forment qu’un seul ?), Kitano bâtit un film qui se déconstruit en progressant. En brouillant la temporalité, en mêlant scènes « réelles » et scènes de « fiction » ou oniriques ; le cinéaste tente de mettre à plat tous les éléments qui fondent son cinéma.
De ce fait, le début est intrigant, notamment grâce au montage. En insérant au cours même des scènes des flash-back et des flash-forward ; Kitano parvient à donner une vision quasi-cubiste de son œuvre antérieure. Le film fonctionne sur de constantes réminiscences qui ne renvoient qu’à elles-mêmes. Comme dans une toile cubiste, il n’y a plus de profondeur mais une simple juxtaposition en « à-plat » de divers éléments empruntés à d’anciens films (les claquettes de Zaitoichi, les scènes de plage de Hana-Bi, les maquillages de Dolls , les fusillades d’Aniki mon frère et de Sonatine…) . Certaines séquences sont très réussies comme ce moment cauchemardesque où Kitano se voit en chauffeur de taxi traînant deux sumos et se perdant sur une route jonchée de cadavres.
Takeshis’ aurait pu être un grand film baroque sur les cauchemars de la création, une sorte de Huit et demi nippon ou le Stardust mémories de Kitano. La comparaison avec Woody Allen n’est pas fortuite dans la mesure où le film est hanté par le thème de l’imposture, comme dans les derniers opus du maître new-yorkais. C’est amusant de voir ces deux immenses cinéastes se filmer comme des imposteurs dont la reconnaissance ne reposerait que sur un malentendu (dichotomie entre le statut de modeste amuseur et la stature du grand « Auteur »)
Hélas, après cinquante minutes assez intéressantes, le film tourne à vide et ne relève plus que du simple exercice de style. Kitano se penche sur ses films précédents mais ne les met pas en perspective, se contentant de tout miser sur la connivence du spectateur et répéter laborieusement les mêmes passages sous couvert d’onirisme.
Du coup, le film devient terriblement répétitif et ennuyeux, une fusillade succédant à une fusillade sans qu’aucun enjeu ne les justifie. Le cinéaste a même le mauvais goût de nous infliger à nouveau de longs morceaux musicaux et de claquettes comme dans la scène finale de Zatoichi (unique faute de goût de ce film très réussi).
Une scène me semble parfaitement résumer l’échec du film. C’est l’une de ces fameuses « scènes de plage » où excelle Kitano. On retrouve cette figure marquante du couple face à la mer qui donna de si belles choses dans Hana-bi ou A scene at the sea (un de mes films préférés du cinéaste) . Dans ces films, ces passages possédaient une rare force poétique, entièrement basée sur la retenue et le non-dit. Dans Takeshis’, la femme se lève, prend un ballon et effectue une chorégraphie sous l’œil de l’acteur. La scène n’est pas laide mais elle est à la fois trop volontariste et complètement artificielle. On sent l’idée de scénario, la volonté de faire « poétique » à tout prix. Et tout le film est à cette image : trop volontariste, trop référentiel et finalement vide de tout contenu.
Par intermittence, on constate que Kitano n’a pas perdu son talent de metteur en scène (sens du cadre, capacité de dépassionner les moments les plus violents …). Mais cette fois, il n’accouche que d’une coquille vide.
Nous ne lui retirons en aucun cas notre confiance mais il nous doit une revanche…
N.B : Mes chers lecteurs, j’espère que vous êtes au courant du plus grand événement sportif de l’année diffusé par la télévision française dimanche soir. Ne le manquez pas ! Ca s’appelle Vive le sport. C’est avec Harold Lloyd et c’est sur Ciné Classic. Inutile de vous dire que je serai devant ma télé…