Les beaux gosses (2009) de Riad Sattouf avec Vincent Lacoste, Anthony Sonigo, Noémie Lvovsky, Emmanuelle Devos, Irène Jacob


Nous avons fini par vaincre nos réticences à remettre les pieds dans une salle du multiplexe Gaumont de notre ville et par nous rendre à la projection du premier film de Riad Sattouf, en craignant néanmoins de nous retrouver entouré de la population écolière qu'il décrit avec une rare justesse dans son film. En choisissant d'aller au cinéma un lundi à 14 heures (en période de bac, qui plus est), nous réussîmes (presque) parfaitement à éviter les gloussements de cette espèce étrange et singulière : le Jeune. Premier soulagement !

Je ne suis pas un fanatique de BD mais j'ai eu l'occasion de lire et d'apprécier Retour au collège et La vie secrète des jeunes. Or, deuxième soulagement, on peut affirmer sans mentir que Riad Sattouf retrouve dans Les beaux gosses son incroyable sens de l'observation à la fois caustique et tendre. Les « héros » de son film sont en fin de collège (ils ont donc 14, 15 ans) et ne pensent qu'à une chose : le sexe (à décliner sous toutes ses formes : tenter de sortir avec une fille et l'embrasser, mater la voisine qui se déshabille, regarder avec son pote les vidéos pornos sur l'ordinateur de papa...). Sattouf  se contentera donc de nous narrer les mésaventures d'Hervé et Camel et de leur libido.

L'une des meilleures critiques que j'aie pu lire sur ce film est celle où Joachim le compare avec sa perspicacité habituelle au navet de Christophe Honoré La belle personne. Je ne reviens pas sur les points qu'il souligne : je suis d'accord (enfin des adolescents qui ont l'air de véritables adolescents !) En revanche, je voudrais commencer par la seule petite réserve qu'il me faut formuler à propos des Beaux gosses (et là, j'adhère à ce qu'écrit un commentateur) : il manque peut-être un liant ou une ampleur romanesque qui ferait décoller le récit de son côté « vignettes croquées sur le vif ». Prises une par une, toutes ces saynètes sont savoureuses et particulièrement bien vues. Mais cela ne va pas toujours plus loin que le côté « strip » et on aurait aimé un peu plus d'invention dans le style.

Une fois ceci posé, le film est plus que recommandable. D'une part, parce qu'il arrive à croquer avec une acuité ravageuse cet âge si difficile (et pourtant exaltant) qu'est l'adolescence. Sattouf semble parfois se régaler de clichés éculés en croquant cette galerie de personnages (la première de la classe, le rebelle ténébreux, la jolie fille dont tout le monde tombe amoureux, etc.) mais quiconque connaît un peu l'univers des ados sera frappé par la véracité du tableau.

Il est évident que le sexe occupe la majeure partie des pensées de ces jeunes gens. Comment assouvir les premiers appels de la libido : telle est la question qui vaudra bien des déconvenues à nos héros et bien des rires aux spectateurs.

Mais ce qui m'a frappé le plus dans les beaux gosses, c'est son côté « intemporel ». Sattouf a la bonne idée de ne pas se vautrer dans la fange du « jeunisme » et s'il parle très bien des ados d'aujourd'hui (leur manière de parler, de s'habiller, etc.), il est évident qu'il met aussi beaucoup de ses souvenirs personnels dans ses personnages. Personne ne l'a noté mais il y a également un côté très « démodé » dans le film : aucun des personnages n'a de téléphones portables et on ne les vois jamais sur Internet. Et pour être tout à fait franc, je doute qu'il existe encore un collégien en France pour faire encore des jeux de rôles ou fantasmer sur un catalogue de la Redoute (même de 1986 !) à l'heure de Facebook et du streaming. Mais c'est aussi ce qui fait l'intérêt des beaux gosses : saisir au-delà des oripeaux du « modernisme » ce qu'il peut y avoir d'intemporel dans le comportement des ados. J'aime beaucoup le regard que Sattouf porte sur ses personnages. Le film est une comédie et le cinéaste ne se prive donc pas de rire de ce qu'il peut y avoir de ridicule chez ces collégiens (leurs allures débraillées, leur immaturité...) mais il ne le fait jamais avec cynisme (d'ailleurs, les adultes ne sont pas mieux lotis : voir l'excellente composition de Noémie Lvovsky en mère de famille se comportant comme la copine de son fils, s'immisçant avec une totale impudeur dans son intimité. Sans se prendre au sérieux, Sattouf en dit beaucoup plus long que Joachim Lafosse dans Elève libre) ou mesquinerie. Même si le film reste toujours léger, certains passages montrent avec beaucoup de justesse la souffrance de ces ados. Elle pourrait prêter à rire (on a tous pensé mourir à 14 ans de notre premier chagrin d'amour) mais Sattouf n'en rit pas parce qu'il sait que ces souffrances sont réelles à cet âge-là.

Il fait preuve de cette empathie qui rapproche les beaux gosses (ça aussi été dis) des premiers films de Pascal Thomas (les zozos, Pleure pas la bouche pleine...) : un mélange de naturel, de drôlerie et de tendresse qui éloigne le film de tout effet de mode et qui parvient à saisir à la fois la réalité des ados d'aujourd'hui tout en nous replongeant dans ce qu'a pu être notre adolescence à nous aussi...


PS : C'est mercredi que sort Fais-moi plaisir ! d'Emmanuel Mouret. Après le film de Sattouf, voilà une nouvelle bonne raison de se réjouir de l'état de santé de la comédie française...

 

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