Zion et son frère (2009) de Eran Merav avec Ronit Elkabetz



Pour être tout à fait franc, je ne suis absolument pas un spécialiste du jeune cinéma israélien mais le premier film du jeune Eran Merav semble s'inscrire dans cette tradition des chroniques qui auscultent avec une certaine acuité les évolutions d'une société en pleine évolution. On songe notamment à l'assez réussi Mon trésor de Keren Yedaya, et comme dans ce film, le cinéaste dresse un tableau assez justes des mutations de la famille israélienne. Si Mon trésor était axé autour de la relation mère/fille, Zion et son frère s'intéresse aux liens qui unissent deux frères (Meir l'aîné et Zion) dont le père a quitté la demeure familiale. Entre disputes et complicité, les deux frères font front commun contre le nouvel amoureux de leur mère (Ronit Elkabetz) et tentent de se bâtir une identité propre au cœur de cette famille décomposée.

Chronique « réaliste », le film séduit par la sécheresse de son trait et sa manière d'inscrire avec un bel aplomb ses personnages dans un cadre. Eran Merav ne fait pas dans la fioriture (le film dure 1h17 et c'est très bien comme ça) et va directement à l'essentiel, en dressant un panorama presque impressionniste d'un microcosme familial.

Le plus étonnant dans ce film, c'est qu'il ne cesse d'ouvrir des pistes narratives sans véritablement les explorer mais en retombant toujours « sur ses pattes ». Prenons un exemple sans trop déflorer l'intrigue. On pense, après un début presque « naturaliste », que le film va emprunter les voies plus tortueuses du drame criminel, un peu à la manière du Paranoïd park de Gus Van Sant (je parle au niveau de l'intrigue, absolument pas au niveau formel). Or Merav finit par abandonner cette piste qui se rappellera, pourtant, à notre bon souvenir dans les derniers instants du film.

Paradoxalement, cette manière de ne jamais aller au bout de ses idées fait l'intérêt d'un film constamment « ouvert », plus intéressant dans ses « creux » que dans ce qu'il montre (je sais que le compliment est paradoxal mais il y a de ça). Alors que le titre peut nous laisser penser que le film sera exclusivement axé autour de la relation entre Meir et Zion (lesquels s'entendent comme chien et chat même si l'amour fraternel ressurgit lorsqu'on s'y attend le moins), le cinéaste détourne l'intérêt de son récit vers d'autres personnages. Personnellement, je trouve passionnant les deux portraits de femmes qu'il nous livre, même si celui de la petite amie de Meir est presque « périphérique ». A travers celui de la mère, incarnée par la sublime Ronit Elkabetz (décidemment indispensable figure du cinéma israélien), Ronit Merav pointe les contradictions d'une société où règne encore un ordre phallocrate. Il y a quelque chose de très émouvant chez cette femme mûrissante mais encore incroyablement belle qui se voit interdire par ses fils de refaire sa vie avec un autre homme. Lorsque Meir la traite de « pute », on devine toute la violence qui peut s'exercer encore sur la femme qui souhaite simplement retrouver un peu de bonheur...

Jamais le film ne sombre pourtant dans le plaidoyer didactique et aucun personnage n'est stigmatisé, que ce soit les enfants (des ados qui cherchent à trouver leur identité et qui s'affirment contre leur mère et son nouvel amant) ou même ce fameux amant qui n'a pourtant pas grand-chose de sympathique...Cette violence faite aux femmes, on la retrouvera dans une scène très intense (peut-être la plus forte du film) avec la petite amie de Meir qui sympathise avec Zion et qui va être l'objet d'une rivalité féroce entre les deux frères. Nous restons dans le cadre d'une société où la femme reste un objet que les hommes cherchent à s'accaparer et à conserver...

Encore une fois, Merav évite le gros trait et privilégie la petite touche impressionniste qui en dit plus long sur les rapports familiaux, les rapports amoureux, la place de la femme dans la société, le travail et ses aléas... On peut reprocher au film de manquer parfois un peu d'ampleur au niveau de la mise en scène (l'écueil habituel de ce genre de chronique au ras du quotidien, même si le montage sec et un sens certain du cadre permettent d'éviter toute platitude) mais il possède indubitablement un ton et un regard sensible.

Nous suivrons donc l'évolution d'Eran Merav avec intérêt...

La bande-annonce du film : ici

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