Before sunset (2005) de Richard Linklater avec Julie Delpy, Ethan Hawke

 

 

 

N’ayant pas vu Before sunrise et me souvenant uniquement de l’accueil désastreux qui avait accompagné la sortie de cette bluette; je dois reconnaître n’avoir eu aucune envie de découvrir cette suite, réalisée dix ans après. Sauf que cette fois, le phénomène inverse se produisit : la critique fut plutôt bonne et Before sunset bénéficia même d’une petite aura chez mes voisins blogueurs qui finit par m’intriguer.

 

 

Flash-back. Il y a dix ans, deux étudiants se rencontrent à Vienne et vivent une nuit d’amour passionnée. Sans s’échanger ni leurs adresses, ni leurs numéros de téléphone ; ils se donnent rendez-vous six mois plus tard dans la même ville.

Dix ans après, l’homme est à Paris et présente en librairie le best-seller qu’il a tiré de cette passion éphémère. Car sa maîtresse n’est pas venue au rendez-vous de Vienne. Néanmoins, elle se présente à la librairie et retrouve enfin son ancien amour pour faire le point…

 

 

Au premier abord, Before sunset n’est pas grand chose. Une partie de ping-pong verbal dans Paris entre un homme et une femme dont la destinée aurait pu être changée si le hasard ne s’en était pas mêlé. Si j’étais méchant, je dirais qu’il y a quelque chose de Lelouch dans ce film de Linklater et son romantisme de pacotille qui ne cesse de s’interroger sur le hasard et ses conséquences, sur les mystères des destins qui auraient pu être tout autre si l’on avait choisi, à un moment précis, un autre chemin dans sa vie. Toutes ces interrogations se déroulent, bien entendu, dans un décor propice aux battements de cœur (Paris et ses petits cafés, ses jardins publics, ses quais sans oublier la balade sur la Seine !).

 

 

Et puis, miracle ! La sauce prend et le film distille vite un charme irrésistible. Ce charme, on le doit d’abord au charisme du duo vedette qui s’est investi au point de participer aux dialogues du film. Ethan Hawke est très bien en séducteur un brin blasé et Julie Delpy est merveilleuse dans cette manière qu’elle a de cacher ses fêlures par une logorrhée ininterrompue. Ce film nous fait regretter que cette grande actrice soit si rare sur nos écrans et qu’elle ait rarement été employée à la mesure de son talent. Entre les deux personnages, on ressent très fortement ce trouble qui renaît lors de cette rencontre et le flux montant de tous les regrets  accumulés par ces dix années de séparation.  Même si ce qu’ils se racontent est parfois d’une banalité à pleurer, leur échange fonctionne bien et le film navigue sur le flot de ce dialogue léger et plein d’humour.

Quant à la mise en scène de Richard Linklater, elle est plutôt astucieuse. Là encore, rien de transcendant au premier abord (comment filmer autrement un long dialogue à part en champ/contrechamp ou en accompagnant les personnages par des travellings ?) mais le cinéaste a la bonne idée de jouer sur la temporalité. La rencontre a lieu alors que notre écrivain américain dispose d’une heure et quart de temps libre avant de reprendre son avion. Le film a donc lieu en « temps réel », ce qui le leste à la fois d’une bonne dose de suspense (resteront-ils ensemble ?) et d’une charge supplémentaire de mélancolie puisque ces retrouvailles n’auront certainement qu’un caractère éphémère. Linklater joue habilement sur la fugacité du présent et la nostalgie d’un passé à jamais révolu. Sur les visages encore jeunes de nos deux héros se lisent toutes les déceptions d’une vie placée sous le signe du gâchis et d’une destinée qui aurait pu être tout autre. 

Désillusionné sans être dépressif, le film fini par toucher au plus profond (est-ce le fait d’avoir le même âge que les personnages ?). Ce n’est, à mon avis pas un chef-d’œuvre, (il est peut-être un brin surestimé) et Linklater n’a sans doute jamais eu envie de se placer dans cette catégorie (son film est trop modeste, dans le bon sens du terme, et nous soulage de ces grosses œuvres prétentieuses qui veulent en foutre plein la vue). Mais c’est une petite œuvre pleine de charme qui frappe juste et qui fera, n’en doutez point, palpiter le cœur de midinette qui vibre en chacun de nous…

 

 

 

 

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