The cocoanuts (1929) de Robert Florey et Joseph Santley avec Groucho, Harpo, Chico et Zeppo Marx, Margaret Dumont

 

Même s’il n’est jamais ici question d’hirondelles (qu’elles soient africaines ou européennes), restons dans le domaine de l’absurde et de … la noix de coco avec cette première apparition cinématographique de la famille Marx. Le hasard faisant souvent bien les choses, je viens de redécouvrir le dernier film où les trois frères jouent ensemble [1] la pêche au trésor , histoire de vérifier que comme l’anatomie humaine, la filmographie des joyeux lurons est plus sensible (et fragile) à ses extrémités !

Si la pêche au trésor marque en effet un certain essoufflement du trio, The cocoanuts souffre d’une mise en scène assez médiocre, signée Robert Florey (qui réalisera plus tard un très intéressant La bête aux cinq doigts) et Joseph Santley (rien de notable par la suite) qui se contente d’enregistrer sans génie un spectacle aux origines théâtrales. C’est extrêmement flagrant pendant les laborieux morceaux musicaux qui plombent le film tant ils sont filmés platement et parfois à peine cadrés.

En revanche, lorsque le tandem Chico/Harpo débarque dans l’hôtel tenu par Groucho, on mesure déjà la puissance de déflagration de l’humour des Marx et le grand souffle d’air frais qu’ils vont apporter à un cinéma burlesque en voie de disparition avec l’arrivée du parlant. Tous les éléments de cette tornade sont déjà présents dans cette première œuvre (y compris l’inévitable morceaux de piano de Chico et sa main droite magique et celui, plus poétique, d’Harpo à la harpe) où les rôles sont déjà bien définis. Harpo assure la transition avec le cinéma burlesque classique en prenant en charge la majeure partie des gags purement visuel. Avec son imperméable où il range les objets les plus improbables (objets volés, bien entendu) et avec son faciès de clown blanc ; Harpo est sans doute celui qui introduit le plus de désordre dans la marche de l’univers et qui nous renvoie le plus facilement au monde de l’enfance.

Groucho, c’est l’invention du nonsense au cinéma, un art de la répartie à ce jour indépassable. Il faut le voir expliquer à ses employés que le salaire est un esclavage et que s’ils veulent être libres, ils doivent se contenter de travailler sans rien dire (quand ils réclament leur argent, Groucho précise qu’il s’agit de SON argent). De la même manière, il faut le voir courtiser l’indispensable Margaret Dumont, veuve richissime, qu’il convoite avec une goujaterie qui n’appartient qu’à lui (« -Vous ne m’aimeriez pas si j’étais pauvre » « -Peut-être, mais je n’en dirais rien -»), délirer sur la « poire alligator » ou monter avec Chico une arnaque à la vente aux enchères qui tournent à la bérézina. Il faut dire que Chico, avec sa gouaille et son accent italien représente le rustaud agressif, le seul à être capable de faire perdre son assurance à Groucho en l’embarquant dans les embrouillaminis du langage.

A eux trois, les frères amènent le règne de la pagaille et du désordre intégral. Qu’ils débarquent dans cet hôtel, à l’opéra ou dans un grand magasin et c’est la bonne marche du monde qui se trouve sens dessus dessous. Si cette folie est un peu bridée ici par un filmage trop plan-plan[2] (alors que des cinéastes comme Norman Z. McLeod  ou Leo McCarey parviendront à épouser parfaitement les contours de la folie marxienne), elle brille par éclat et le spectateur entrevoit dans ce Cocoanuts les prémisses d’une œuvre comique incomparable qui n’a pas pris une ride…

 

NB : Puisqu’on parle de famille, d’hôtel et d’humour, je vous invite à découvrir le blog tout nouveau tout beau de mon petit frère Greg.

 



[1] En 1957 sort the story of Mankind, dernier film officiel des Marx bros qui aura comme caractéristique d’être à la fois leur premier film en couleurs et le seul où Groucho, Harpo et Chico apparaissent uniquement séparément.

 

[2] Je songe par exemple à ce très bon passage où les personnages se croisent et s’évitent entre deux chambres d’hôtel. Ce ballet de portes et de camouflages improvisés aurait mérité un découpage plus inventif et plus nerveux. Ah Lubitsch !

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