The informant ! (2009) de Steven Soderbergh avec Matt Damon

 

Je soulignais il y a trois mois, au moment de la sortie de The girlfriend experience, le caractère extrêmement chaotique de l’itinéraire de Soderbergh, cinéaste enchaînant film sur film (trois pour 2009, ce n’est pas rien !) en ne s’inscrivant jamais dans le même cadre esthétique et la même économie de production (voilà un film plutôt à gros budget après une œuvre indépendante).

The informant ! met en scène un jeune cadre dynamique (Matt Damon, pas franchement mauvais mais toujours un peu fadasse, incapable d’être autre chose que cet éternel adolescent un peu poupon sans grande envergure) qui décide un jour de collaborer avec le FBI afin de dénoncer les manœuvres frauduleuses de sa société. Mais très rapidement, les choses se compliquent…

Inutile d’en dire plus sur le scénario : d’une part, parce qu’il est extrêmement compliqué, d’autre part, parce que c’est sur les rebondissements du récit que repose l’éventuel attrait du film.

Au départ, on songe à un nouveau « thriller social » à la Erin Brockovich (peut-être l’un des meilleurs Soderbergh) où le cinéaste s’appuierait sur son personnage principal pour dénoncer les abus et dérives du capitalisme contemporain. Or très vite, on s’aperçoit qu’il n’en est rien et que The informant ! prend une autre voie, celle de la comédie.

Mark Whitcrate, le personnage principal du film, est un menteur qui essaie de tirer son épingle du jeu en menant un continuel double jeu, aussi bien avec ses patrons qu’avec les hommes du FBI. Comme le soulignait l’un des intervenants du Masque et la plume, le plus intéressant du film est peut-être cette voix-off que Soderbergh utilise à contre-courant. Alors que la voix-off du personnage est censée nous révéler son intériorité et sert généralement à affirmer un point de vue plus subjectif, elle participe ici au brouillage des pistes. La voix de Mark s’émerveille de la qualité des cravates des agents du FBI (descriptions froides qui laissent penser un moment que Soderbergh va poursuivre son analyse du capitalisme contemporain à la manière d’un Brett Easton Ellis « light », comme dans The girlfriend experience) ou énonce des banalités qui n’éclairent pas le moins du monde ses intentions, ses malversations.

Mark est un homme de notre époque : partout et nulle part, transparent et vide, mû uniquement par un désir de gloire et de fric.

Thématiquement, le film aurait pu être passionnant. Malheureusement, il a tendance à se dégonfler assez rapidement et à devenir ennuyeux. Pour la simple et bonne raison qu’il ne repose QUE sur son scénario et jamais sur la mise en scène. Alors bien entendu, Soderbergh a suffisamment de métier pour éviter le gros nanar du style La firme (un des plus mauvais Pollack, ce qui n’est pas peu dire !) mais ça reste assez convenu. Et comme les péripéties sont retorses à souhait, on a toujours l’impression de voir le film « courir » sans arrêt après son scénario (l’expression n’est sans doute pas très heureuse, je vous demande de bien vouloir me la passer !) en oubliant de construire des personnages ou un environnement qui vivrait un peu plus que ça (jamais on ne croit que Damon puisse être réellement un cadre de cette entreprise).

Parti sur de bons rails, The informant ! s’essouffle vite, faute de rythme et de fantaisie. On songe alors à Burn after reading des frères Coen, film plutôt méprisé à sa sortie mais qui reposait sur le même principe d’emballement autour du vide et qui avait pour lui beaucoup plus de rythme et de sens esthétique (qu’on songe à la manière dont les Coen filmaient les agents de la CIA – c’était tordant- et celle de Soderbergh lorsqu’il met en scène le FBI).

Au final, le film n’est pas totalement déshonorant : juste anodin et décevant.

Mais gageons que Soderbergh saura se rattraper dans trois mois, lorsque sortira son nouveau film…

 

 

 

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