Vieux pots et soupe rance
Tais-toi ! (2003) de Francis Veber avec Gérard Depardieu, Jean Reno, Richard Berry, André Dussollier
1.Où l’auteur exprime dans un premier temps son désarroi face au film qu’il vient de découvrir.
Me voilà une fois de plus contraint de sortir mon lance-flammes pour vous parler de la comédie française. Et, croyez-moi, je ne le fais pas de gaieté de cœur puisque cette fois, ladite comédie est signée Francis Veber à qui nous devons quelques jolis fleurons du genre (je suis plutôt client de la trilogie avec le tandem Pierre Richard/ Gérard Depardieu –La chèvre, les compères, les fugitifs- et j’avoue avoir bien ri au Dîner de cons). Mais là, force est de constater que Tais-toi ! est à reléguer au rayon des gros ratages que compte parfois le cinéaste (le très médiocre Le placard, le nullissime Le jaguar). Tentons d’analyser les raisons de cet échec.
2.Où l’auteur met une nouvelle fois en garde contre la prééminence du scénario.
A l’évidence, Veber n’a jamais été un grand cinéaste. Les qualités de ses films tiennent avant tout à leur construction dramatique et à la qualité de leurs dialogues. Le dîner de cons n’est pas un véritable film (c’est vraiment la quintessence du théâtre pauvrement filmé) mais a le mérite de posséder une mécanique comique imparable qui finit par emporter l’adhésion (tout simplement parce que l’on rit de bon cœur). Tais-toi ! n’est pas plus mis en scène que le film sus-cité et mais se révèle en plus dépourvu de dialogues de qualité et de situations comiques fortes.
3.Où l’auteur se souvient d’un proverbe.
La pauvreté du scénario saute tout de suite aux yeux. Veber bâtit son film sur le schéma qui lui est cher et qui lui a souvent porté bonheur (le duo masculin mal assorti) mais se contente désormais d’appliquer paresseusement de vieilles recettes éculées. On retrouve des réminiscences de l’emmerdeur et le personnage de Depardieu sort tout droit du Dîner de cons. Sauf qu’ici, l’horlogerie comique vire au procédé poussif et on ne croit pas un instant au duo que forme Depardieu et Reno. « C’est dans les vieux pots que la soupe est la plus dégueulasse » dit le proverbe (enfin, dans sa déclinaison façon Pierre Perret). Le cinéaste aurait du s’en souvenir plutôt que de nous infliger ces gags antédiluviens où le psy de service se fait renverser une tasse de café par son patient ou encore ces scènes où il nous fait rire des tenues de « tantes » de Depardieu/Reno.
4. Où l’auteur pointe un des défauts majeures de la comédie française.
De plus, le film est plombé par un défaut typique de la comédie française actuelle qui est de « péter plus haut que son cul » (on me pardonnera la trivialité de cette expression qui détonne étonnement dans des pages à haute teneur littéraire que n’hésiterait pas à cautionner Jean d’Ormesson s’il était encore vivant !). Ce qui faisait le charme du Dîner de cons, c’était sa modestie. Le texte prédominait et Veber ne tentait pas de faire oublier l’origine théâtrale de son œuvre. Ici, il se pique, à l’instar de son collègue Jean-Marie Poiré, d’avoir réalisé une « comédie d’action ». Et le pire, c’est que les scènes d’action sont bien là mais, de mémoire de cinéphile, je ne crois avoir rien vu de plus poussif et de plus mou du genou que ces séquences. Regardez le braquage du début et Depardieu poursuivi par les flics : tout le monde se traîne (les acteurs, les figurants, le montage et le découpage) et personne n’y croît. Veber n’a aucun sens de l’action (à la limite, l’exotisme aventureux de La chèvre fonctionnait bien mieux) et le film finit par se ridiculiser à vouloir être plus qu’une comédie de caractères.
5-Où l’auteur achève le film en déplorant une énorme erreur de casting.
Parlons-en de ces « caractères ». Les meilleurs films de Veber sont ceux dont le duo vedette fonctionne à merveille. Lorsqu’il a associé Pierre Richard et Gérard Depardieu, le cinéaste a découvert le secret d’une mayonnaise qu’il a réussi à faire prendre trois fois. Quand il confronte Jean Reno et Patrick Bruel (le jaguar), c’est la catastrophe ! Dans Tais-toi ! , Depardieu joue le rôle du « con » qui fit autrefois la fortune de l’auteur. Mais pour le coup, il n’a pas le coup de génie de Villeret qui était fabuleux dans le rôle. Notre Gégé en rajoute et en fait des tonnes et j’ai le regret de dire qu’il est grotesque. Quant à Jean Reno, qui tient ici le rôle autrefois dévolu à Depardieu (celui du costaud monolithique), il n’est jamais convaincant. Je ne sais pas si c’est moi qui aie une dent contre cet acteur mais je persiste à trouver que le carré de poisson surgelé que je vais manger ce soir est plus expressif que lui ! Curieusement (parce que je n’aime pas beaucoup cet acteur en règle général), le plus juste m’a paru Richard Berry qui m’a arraché quelques rires dans son rôle de policier effaré par le duo qu’il pourchasse.
6-Où l’auteur fait preuve de concision pour conclure.
Bref, tout cela est plutôt mauvais.