The host (2006) de Bong Joon-Ho

 

 

 

C’est grâce à Memories of murder que nous avons pu découvrir Bong Joon-Ho en France. J’ai hâte de découvrir ce film qui jouit d’une bonne réputation mais que je n’arrive jamais à voir. Depuis sa sortie mercredi, The host bénéficie lui aussi d’un très bon accueil critique et je me suis rendu en salle avec une vraie curiosité pour ce film de monstre coréen. Pour ne pas faire durer le suspense, je vous livre d’emblée un petit bilan du film : intéressant, de vraies qualités mais un brin surestimé tout de même. C’est ce que nous allons tenter de détailler dans l’immédiat.

 

 

A la suite d’une émission de déchets toxiques dans la rivière Han (un militaire américain ordonne à son subalterne coréen de déverser les produits dans les éviers), les habitants de Séoul ont la surprise de découvrir qu’un monstre mutant (quelque chose entre le têtard et le calamar géant) menace désormais leur tranquillité. A la suite d’une attaque spectaculaire, la bestiole gluante enlève une fillette et la laisse pour morte dans les égouts de la ville. Grâce à son portable, elle va arriver à se manifester et toute sa famille (son père, son grand-père, sa tante championne de tir à l’arc et son oncle) va partir à sa recherche…

Raconté de cette manière, le film n’a rien qui le distingue réellement de cent ans d’histoire de monstres belliqueux attaquant nos frères humains. C’est d’ailleurs ici que se situe ma principale réserve : le scénario n’a rien de transcendant et Bong Joon-Ho joue avec les clichés sans parvenir toujours à les détourner. C’est bien de se coltiner avec les conventions mais il faut, dans ce cas, avoir un sacré talent pour ne pas tourner quelque chose de conventionnel (il faut s’appeler Resnais, par exemple). Or, du talent, Bong Joon-Ho en est pétri mais cela ne l’empêche pas de s’embourber parfois dans de la mélasse clichetonneuse (le côté sentimentalo-niais qu’apportent, dans les films de genre, les figures enfantines).

 

 

Ces réserves faites, le film a également de nombreuses qualités. La première concerne l’apparition du monstre. The host, c’est un peu l’anti-Spielberg. Pour le cinéaste américain, c’est le spectaculaire et l’effet de sidération qui l’emportent. Si vous regardez bien Jurassic Park (je vous demande de me croire sur parole si vous voulez que je vous épargne le calvaire de revoir une seconde fois un tel nanar !), vous constaterez qu’avant de montrer les dinosaures , le cinéaste filme toujours l’hébétude des personnages sur leurs visages. Il ménage chaque apparition d’un monstre comme un clou spectaculaire, un effet forain. Dans The host, le monstre est tout de suite intégré au paysage et ne provoque qu’une certaine curiosité chez les habitants (est-ce une machine ou un animal ?). Du coup, chose très rare, on croit à l’incarnation de la bestiole. On ne voit pas l’effet spécial mais bel et bien un monstre qui a trouvé sa place dans la ville. A ce titre, sa première attaque est très impressionnante et la séquence est d’ores et déjà anthologique. En ne se focalisant pas seulement sur la créature et en jouant beaucoup sur les plans d’ensemble (le mouvement de panique de la foule) ; Bong Joon-Ho parvient à nous offrir quelque chose de très incarné et d’assez stupéfiant.

 

 

A partir du moment où la fillette est enlevée débute réellement la chasse au monstre. Agencé de manière ultra-classique (regroupement d’une petite équipe, victimes au cours de l’excursion…), The host séduit alors par ses ruptures de ton. Car la famille Park qui mène l’assaut est une sacré bande de bras cassés et le film oscille sans cesse entre l’horreur (les apparitions de la bête sont relativement angoissantes), le mélodrame (l’aspect sur lequel je suis le plus réservé car le cinéaste succombe, à mon sens, à la facilité) et le rire le plus franc. Je crois que ces changements de registres caractérisaient déjà Memories of murder et l’on doit reconnaître au cinéaste un sacré sens du grotesque, de la bouffonnerie. Le film, par son goût de l’outrance, est souvent très drôle et ces ruptures de ton (les hurlements de désespoir de la famille au début lorqu’ils pensent que la petite est morte finissent par faire rire) donnent un certain cachet d’originalité à The host.

 

 

Pour finir, ce film m’a semblé un beau renvoi de balle à l’hégémonie américaine. Bong Joon-Ho s’inscrit volontairement dans le cadre du film de genre, terrain qu’occupent depuis toujours les Américains, pour le pervertir et offrir un regard assez décapant sur les relations américo-coréennes. The host fait partie de ce courant de films asiatiques (qu’on songe aux films de Kiyoshi Kurosawa) qui arrivent à parler de notre monde aujourd’hui à travers le cinéma de genre. Cette dimension politique, qui a totalement disparu des films américains (si l’on excepte les glorieux pionniers tels Carpenter et Romero), est omniprésente ici. Le cinéaste se montre extrêmement satirique envers l’ingérence des Etats-Unis en Corée (on sait comment les yankees ont tenté de combattre la politique de quotas qui a permis la renaissance du cinéma coréen). Il raille cette manière dont l’Amérique pollue le restant du globe et contrôle l’information. Mais tout cela sans discours ou démonstrations lourdes mais par le biais du genre et d’un sens certain de l’ironie.

 

 

Ce n’est sans doute pas le chef-d’œuvre annoncé un peu partout mais c’est tout à fait plaisant et vraiment très intéressant…

 

 

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