Lily la tigresse (1966) de Woody Allen

 

 

Préparez-vous à cette idée : en ce début d’année 2007, il devrait être souvent question de détournement en ces pages. Ca a commencé par le petit extrait que je vous ai offert de La dialectique peut-elle casser des briques ? de René Viénet et on devrait y revenir à propos des œuvres cinématographiques de Guy Debord (si après deux changements, les DVD de mon coffret daignent enfin fonctionner !). D’une certaine manière, Si vous n’aimez pas ça, n’en dégoûtez pas les autres était également une tentative (pitoyable, certes !) de détourner un film porno par des commentaires « inspirés ».

Pour son premier film, Woody Allen n’a quasiment pas filmé d’images. Mis à part quelques séquences additionnelles souriantes, il s’est contenté de refaire la bande-son d’un film d’exploitation japonais (la clé de la clé de Taniguchi, si vous voulez tout savoir) pour en faire une parodie de film d’espionnage.

 

 

A partir d’un obscur film de yakusa, Woody Allen réinvente une intrigue totalement farfelue où les personnages partent à la recherche de la recette de la salade aux œufs et s’entretuent en prononçant des dialogues totalement décalés.

Pour les situationnistes qui prônaient le dépassement de l’art, le détournement n’était pas une fin mais un moyen de se réapproprier des formes populaires de moyen d’expression (BD, cinéma de genre…) pour les rendre subversives. Ici, le détournement n’a d’autres fins que de faire rire (noble tâche) mais n’y parvient que partiellement.

 

 

Il est vrai que certaines répliques totalement décalées (« citez trois présidents » dit un séducteur japonais à une belle femme qu’il est en train de séduire) font sourire et j’aime bien celles qui trahissent les obsessions de son auteur (notamment ce moment où un nippon viril se fait descendre et prononce un délicieux « Je meurs, allez chercher mon rabbin » !) Mais si le dispositif amuse au début, il lasse assez vite.

D’une part, détournée ou pas, Woody Allen reste prisonnier d’une intrigue originelle et doit calquer son film sur des situations narratives qui n’ont rien de passionnantes. D’autre part, ses dialogues ne suffisent pas à donner du souffle à une mise en scène poussive et des personnages ineptes. Du coup, Lily la tigresse ressemble un peu à une soirée entre potaches où l’on coupe le son de la télé et où l’on s’amuse à réinventer les dialogues. C’est amusant pour ceux qui le font mais ça laisse les autres un brin perplexes s’ils ont l’occasion de voir un résultat enregistré !

 

 

Rien de déshonorant cependant : le film est relativement court (à peine 1 heure 20), certaines répliques font mouche et même si on s’ennuie un peu, le film suscite une certaine curiosité. Ca reste néanmoins un petit exercice de style très mineur et le film de Woody Allen que j’aime le moins…

Retour à l'accueil