Piteux duel
Freddy contre Jason (2003) de Ronny Yu avec Robert Englund
Voilà le genre de tête d’affiche qui m’aurait fait saliver adolescent lorsque je ne jurais que par le cinéma d’horreur et que le moindre nanar m’apparaissait comme un chef-d’œuvre du moment qu’il réservait suffisamment de moments sanglants !
Mais il fallait quand même oser la confrontation des deux plus grands mythes du cinéma fantastique contemporain !
A ma gauche, Freddy Krueger, croquemitaine au visage brûlé venant hanter les cauchemars d’adolescents qui ne s’en relèvent pas. Dans la série des films où notre bonhomme est apparu, on compte un vrai chef-d’œuvre (l’original, signé Wes Craven), une réflexion très intéressante sur le mythe signé par le même Wes Craven (Freddy sort la nuit, septième film de la série si je ne m’abuse, docteur), deux honnêtes séries B (les opus 2 et 3 mais il faudrait re-vérifier, je ne les ai pas vus depuis longtemps) et d’effroyables navets (les opus 4 et 5. Je ne me souviens pas si j’ai vu le 6 !)
A ma droite, Jason, grand détracteur des nocturnes copulations estudiantines en bord de lac ; un des tueurs en série les plus mornes de l’histoire du cinéma, héros d’une palanquée de nanars que je me refuse à comptabiliser (sauf erreur, les films suivants le numéro 7 ne sont jamais sortis chez nous, si ce n’est directement en vidéo) De toute façon, il n’y en a pas un pour racheter l’autre !
On se demandait ce qu’allait pouvoir donner ce choc des titans ; le résultat ne tarde pas à se faire attendre : il est calamiteux.
Pourtant, le film repose sur une idée séduisante sur le papier : Freddy ne peut plus agir parce qu’on l’a oublié et qu’il ne fait plus peur. Du coup, plus personne ne rêve de lui. L’idée que le grand calciné met en œuvre n’est pas d’une simplicité évidente au premier coup d’œil mais mérite qu’on se penche dessus : il utilise Jason et lui fait commettre un meurtre à Elm Street. Du coup, ça fonctionne : l’ombre de Krueger revient planer sur les consciences et notre Freddy va pouvoir s’amuser avec ses victimes…
C’est une belle idée que de mettre la croyance au cœur de la fiction : Freddy et son lot de terreurs nocturnes n’existent que si l’on y croit. De la même manière, j’avoue que le côté carnavalesque du film (sur le papier) me tentait beaucoup et me laissait envisager une confrontation de monstres sacrés à la manière des films (psychédéliques) tardifs de Honda où Godzilla finit par affronter des dizaines de monstres toujours plus faramineux !
Malheureusement, ça ne fonctionne absolument pas et pour deux raisons principales. La première, c’est la plaie du second degré. Dès que l’on voit la première « bimba » siliconée (on sait depuis Le grand appartement que le mot « bimbo » s’emploie pour les garçons) se faire trucider au bord d’un lac par Jason, on comprend que Ronny Yu joue la carte du sous-Scream et appuie délibérément sur les clichés. Du coup, je ne crois pas avoir vu de ma vie un film où les héros ados sont aussi antipathiques et insignifiants. On se fiche éperdument de ce qui peut leur arriver puisqu’ils ne sont que des clins d’œils que le cinéaste adresse grossièrement au spectateur (« voyez comme ils sont crétins et comme ils se conduisent comme dans tous les films d’horreur »). Quant aux deux tueurs-fous, le cinéaste les traite également sous l’angle parodique et ils finissent par indifférer totalement.
La deuxième raison, c’est une mise en scène à la hache qui combine les pires tics à la mode (bande-son atroce à base de hard-rock bourrin, fumigènes et filtres bleutés, montage numérique aseptisé…) et une absence totale d’invention visuelle. Lorsqu’on songe aux Griffes de la nuit, on se souvient que Craven parvenait à offrir une vision crédible de nos pires cauchemars. Ici, Ronny Yu se limite à quelques effets-spéciaux tapageurs d’une rare laideur (Freddy transformé en une sorte de monstre larvaire) et d’un flot d’hémoglobine sans le moindre intérêt.
C’est moche, c’est bête et c’est d’un ennui total. On peut donc se dispenser de ce duel idiot…